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peuvent juger de vue. Ainsi tant de nations, qui furent assez longtemps sous cet empire assyrien, avec ce mystère s’accoutumaient à servir et servaient plus volontiers, pour ne savoir pas quel maître ils avaient, ni à grand’peine s’ils en avaient, et craignaient tous, à crédit, un que personne jamais n’avait vu. Les premiers rois d’Égypte ne se montraient guère, qu’ils ne portassent tantôt un chat, tantôt une branche, tantôt du feu sur la tête ; et, ce faisant, par l’étrangeté de la chose ils donnaient à leurs sujets quelque révérence et admiration, où, aux gens qui n’eussent été trop sots ou trop asservis, ils n’eussent apprêté, ce m’est avis, sinon passe-temps et risée. C’est pitié d’ouïr parler de combien de choses les tyrans du temps passé faisaient leur profit pour fonder leur tyrannie ; de combien de petits moyens ils se servaient, ayant de tout temps trouvé ce populas fait à leur poste, auquel il ne savait si mal tendre filet qu’ils n’y vinssent prendre lequel ils ont toujours trompé à si bon marché qu’ils ne l’assujettissaient jamais tant que lorsqu’ils s’en moquaient le plus.

Que dirai-je d’une autre belle bourde que les peuples anciens prindrent pour argent comptant ? Ils crurent fermement que le gros doigt de Pyrrhe, roi des Épirotes, faisait miracles et guérissait les malades de la rate ; ils enrichirent