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celait à l’envi les bancs de la place, et puis lui éleva une colonne, comme au Père du peuple (ainsi le portait le chapiteau), et lui fit plus d’honneur, tout mort qu’il était, qu’il n’en devait faire par droit à homme du monde, si ce n’était par aventure à ceux qui l’avaient tué. Ils n’oublièrent pas aussi cela, les empereurs romains, de prendre communément le titre de tribun du peuple, tant pour que ce que cet office était tenu pour saint et sacré qu’aussi il était établi pour la défense et protection du peuple, et sous la faveur de l’État. Par ce moyen, ils s’assuraient que le peuple se fierait plus d’eux, comme s’il devait en ouïr le nom, et non pas sentir les effets au contraire. Aujourd’hui ne font pas beaucoup mieux ceux qui ne font guère mal aucun, même de conséquence, qu’ils ne passent devant quelque joli propos du bien public et soulagement commun : car tu sais bien, ô Longa, le formulaire, duquel en quelques endroits ils pourraient user assez finement ; mais, à la plupart, certes, il n’y peut avoir de finesse là où il y a tant d’impudence. Les rois d’Assyrie, et encore après eux ceux de Méde, ne se présentaient en public que le plus tard qu’ils pouvaient, pour mettre en doute ce populas s’ils étaient en quelque chose plus qu’hommes, et laisser en cette rêverie les gens qui font volontiers les imaginatifs aux choses desquelles ils ne