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tion ne peut être ni bonne ni belle : et celle-là y étant bien à bon escient, elle traîne après soi par nécessité toutes autres actions de vertu. Après Dieu, il te faut aimer et honorer ton père et ta mère, même ta mère, ma sœur, que j’estime des meilleures et des plus sages femmes du monde, et te prie de prendre d’elle l’exemple de ta vie. Ne te laisse point emporter aux plaisirs ; fuis comme peste ces folles privautés que tu vois les femmes avoir quelquefois avec les hommes, car encore que sur le commencement elles n’aient rien de mauvais ; toutefois petit à petit elles corrompent l’esprit, elles conduisent à l’oisiveté, et de là, dans le vilain bourbier du vice. Crois-moi : la plus sûre garde de la chasteté à une fille, c’est la sévérité. Je te prie, et veux qu’il te souvienne de moi, pour avoir souvent devant les yeux l’amitié que je t’ai portée, non pas pour te plaindre et pour te douloir de ma perte, et cela défends-je à tous mes amis, tant que je puis, attendu qu’il semblerait qu’ils fussent envieux du bien, duquel, merci à ma mort, je me verrai bientôt jouissant : et t’assure, ma fille, que si Dieu me donnait à cette heure à choisir, ou de retourner à vivre encore, et d’achever le voyage que j’ai commencé, je serais bien empêché au choix. Adieu, ma nièce, m’amie. »

Il fit après appeler Madamoiselle d’Arsac(¹),