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de la mort, j’ai délibéré de mettre quelque ordre à mes affaires domestiques, après en avoir eu votre avis premièrement. » Et puis adressant son propos à son oncle : « Mon bon oncle, dit-il, si j’avais à vous rendre à cette heure compte des grandes obligations que je vous ai, je n’aurais en pièce fait : il me suffit que jusques à présent, où que j’aie été, et à quiconque j’en aie parlé, j’aie toujours dit que tout ce que un très sage, très bon et très libéral père, pouvait faire pour son fils, tout cela avez-vous fait pour moi, soit pour le soin qu’il a fallu à m’instruire aux bonnes lettres, soit lorsqu’il vous a plu me pousser aux états : de sorte que tout le cours de ma vie a été plein de grands et recommandables offices d’amitiés vôtres envers moi : somme, quoi que j’aie, je le tiens de vous, je l’avoue de vous, je vous en suis redevable, vous êtes mon vrai père ; ainsi comme fils de famille je n’ai nulle puissance de disposer de rien, s’il ne vous plaît de m’en donner congé. » Lors il se tut et attendit que les soupirs et les sanglots eussent donné loisir à son oncle de lui répondre qu’il trouverait toujours très bon tout ce qu’il lui plairait. Lors ayant à le faire son héritier, il le supplia de prendre de lui le bien qui était sien.

Et puis, détournant sa parole à sa femme : « Ma semblance, dit-il (ainsi l’appelait-il souvent,