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tenu nul propos de ce qu’il jugeait de son être, et ne parlions que de particulières occurences de sa maladie, et de ce que les anciens médecins en avaient dit. D’affaires publiques, bien peu ; car je l’en trouvai tout dégoûté dès le premier jour. Mais le dimanche, il eut une grande faiblesse : et comme il fut revenu à soi, il dit qu’il lui avait semblé être en une confusion de toutes choses, et n’avoir rien vu qu’une épaisse nue et brouillard obscur, dans lequel tout était pêle-mêle et sans ordre : toutefois il n’avait eu nul déplaisir à tout cet accident : « La mort n’a rien de pire que cela, lui dis-je lors, mon frère. — Mais n’a rien de si mauvais », — me répondit-il.

Depuis lors, parce que dès le commencement de son mal, il n’avait pris nul sommeil, et que nonobstant tous les remèdes, il allait toujours en empirant : de sorte qu’on y avait déjà employé certains breuvages, desquels on ne se sert qu’aux dernières extrémités, il commença à désespérer entièrement de sa guérison, ce qu’il me communiqua. Ce même jour, par ce qu’il fut trouvé bon, je lui dis, qu’il me siérait mal, pour l’extrême amitié que je lui portais, si je ne me souciais que comme en sa santé on avait vu toutes ses actions pleines de prudence et de bon conseil autant qu’à homme du monde qu’il les continuât encore en sa maladie ; et que, si Dieu voulait