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secrètes congrégations, et qu’il ne se craigne qu’il n’y fasse quelque conjuration contre l’État du prince. Là où les congrégations sont publiques, le Roi en sera hors de souci et ses officiers auront bien moyen de tenir l’œil, qu’il ne soit fait rien contre l’autorité du Roi. Mais, quoi ! avec toutes ces belles raisons, l’on les a souffertes, et maintenant tout ce qui se voit est le fruit de cette tolérance ! Pour vrai, la dissimulation des assemblées privées et secrètes est le commencement du mal ; la tolérance des publiques a été l’accroissement de nos calamités.

Premièrement, de les cuider obliger par ce bienfait, c’est peine perdue ; car, ceux qui sont déraisonnables et desquels vient le désordre ne cuideront pas que le Roi leur donne rien, de tant qu’ils ont déjà ce que le Roi leur donnera et en jouissent. Mais, tout au contraire, ils penseront qu’ils ont bien fait de désobéir, puisqu’à la fin, le Roi donne à chacun ce qu’il a pu prendre, et n’y en a point de meilleure caution que ceux qui ont usurpé quelque chose, de tant qu’à fin de compte, le Roi leur laisse de bon gré ce qu’ils ont pris au commencement, par force. Au reste, de cuider que le magistrat les range mieux, quand le Roi aura expressément déclaré qu’il le permet, je ne le puis comprendre ; car je m’as-