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vaut beaucoup mieux n’être point affligé du tout et n’avoir point besoin de consolation. Je ne saurais croire que si le Roi permet les deux religions et que le royaume étant ainsi divisé, l’étranger, à quelque couleur que ce soit, commençait la guerre et nous venait prendre sur cette séparation et parmi cette perturbation universelle, que nous n’eussions plus à faire que nous n’avions aux guerres passées lorsque tout le royaume était uni.

Je sais bien qu’il n’y a nation au monde si fidèle à son prince que la française, reconnaissant l’antiquité de cette monarchie et la bonté de ses rois naturels(¹). Mais ni la France ne fut oncques, au branle qu’elle est, et comme quelqu’un disait qu’il ne faut jamais éprouver toute sa force, aussi ne vois-je point qu’il soit besoin d’essayer, en temps si périlleux, toute la fidélité que le Roi pourrait bien trouver en son peuple. Nulle dissension n’est si grande ni si dangereuse que celle qui vient pour la religion : elle sépare les citoyens, les voisins, les amis, les parents, les frères, le père et les enfants, le mari et la femme ; elle rompt les alliances, les parentés, les mariages, les droits inviolables de nature, et pénètre jusqu’au fond des cœurs pour extirper les amitiés et enraciner des haines irréconciliables(²). Il est bien possible, qu’encore qu’elle fasse tout cela, que