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6 ESTIENNE DE LA BOÉTIE d’vn, cela eft eltrange, mais toutesfois pôfîible; bien pourra l’on dire lors, à bon droiét, que c’eft faute de cœur. Mais fi cent, fi mille endurent d’vn feul,. ne dira l’on pas qu’ils ne veulent point,_non qu’ils n’0l`ent pas fe prendre à luy, & que c’efl: non couardife, mais 5 pluftoil mefpris ou defdain? Si l’0n void, non pas cent, non pas mille hommes mais cent païs, mille villes, vn million d’hommes, n’aill`aillir pas vn feul, duquel le mieulx traité de tous en reçoit ce mal d’ellre ferf & efclaue, comment pourrons nous nommer cela? eft IO ce lafcheté? Or, il y a en tous vices naturellement quelque borne, outre laquelle ils ne peuuent paffer : deux peuuent craindre vn, &. poiïible dix; mais mille, mais vn million, mais mille villes, fi elles ne fe defïen- dent d’vn, cela n’eit pas couardife, elle ne va point l5 iufques là; non plus que la vaillance ne Beltend pas qu’vn feul efchelle vne fortereiïe, qu’il affaille vne armee, qu’il conquefte vn roiaume. Doncques quel monftre de vice ell cecy qui ne merite pas ancore le tiltre de couardife, qui ne trouue point de nom affes 20 vilain, que la nature defaduoue auoir fait & la langue refufe de nommer? vanmnrns & pollîble pourra l’0n bien dire ‘ 18. «qu`il conquierre vn royau- lors à bon droit que c`eft faute de me ». - Le Rcueilte-Illatin donne cœur (R.—M.). la même leçon. 4. «qu'ils ne veulent point, 20. «lenomdec0uardife»(R.-Ill.) qu‘îls n’0fent pas ». 20. « qui ne trouue de nom allez 6. «mefpris & defdain ». _ vilain, que Nature defauoue auoir g. « en reçoit mal ». fait, & la langue refufe de le npm- 1 1. « Or, y a il » (R.-M.), mer ». — Le Rcucillc-Matin écrit 1;. « & pofïible dix le crain- fautivement « longueur » au lieu de dront » (R.-M.). _ « langueii. , 15. « ce .n’eft pas » (R.-M.), 25. « lesvns combattans»(R.-M,).