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Cette traduction de la Mesnagerie de Xénophon est aussi la plus importante par sa longueur comme la plus digne d’être relue à cause de ses nombreuses qualités. L’ouvrage, il est vrai, méritait à tous égards que le jeune érudit y appliquât sa science et ses soins.

On sait quel charme pénétrant s’exhale du récit de l’existence rustique, quel joli tableau du séjour et des travaux des champs Xénophon a su nous tracer. Son Économique est un hymne à la campagne, mais un hymne à la fois enthousiaste et pratique. Xénophon n’aime pas la nature en épicurien lettre comme Horace, en poète mélancolique comme Virgile, qui pratiqua beaucoup son livre et qui se souvient. Xénophon est un père de famille au bon sens droit, plein de raison, d’une raison qui n’a rien de froid ni de sévère, une raison souriante et indulgente, athénienne et socratique, comme on l’a dit[1], à la fois gracieuse et aimable. Il aime les champs parce que l’esprit et le corps y trouvent en même temps la santé et la joie, parce que la vie y est utile et active et que cette activité suiïit à l’ernbellir et à la rendre heureuse. Moraliste honnête, Xénophon sait tirer de tout cela des exemples salutaires et des encouragements précieux. Son esprit clair, lucide, ennemi du pédantisme, excelle à retracer la vraie physionomie de ce bonheur tempéré, comme il aime à simplifier les connaissances nécessaires àl’agriculteur maitre de maison. Avec l’activité, la prévoyance, le sens pratique, l’amour du travail et de l’ordre, les succès arrivent nombreux et mérités. Si à ces qualités l’homme des champs ajoute l’humanité et la douceur, exempte de faiblesse, la vertu de commander par l’ascendant de son exemple et la droiture de son caractère, il sera le type accompli du père de famille tel que Xénophon le souhaite et tel qu’il a voulu nous en donner le modèle dans Ischomaque.

Faut-il s’étonner, après cela, de l’affection que l’antiquité tout entière portait à ce traité de Xénophon ? Nous l’avons déjà dit, Virgile le lisait avec plaisir et profit, comme l’indique mainte

  1. Alfred Croiset, Xénophon, son caractère et son talent. 1873, in-8o, p. 169.