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Genève, Simon Goulard, éditait trois volumes compacts de pièces publiées « tant par les catholiques que par ceux de la religion », depuis la paix de 1570. C’est une indigeste collection de libelles, dont quelques-uns sont du compilateur lui-même, mais dont la plupart ont été traduits ou arrangés par lui. Au milieu du troisième volume, nous voyons figurer la Servitude volontaire, moins mutilée que dans le Réveille-Matin, sans que son texte offre pourtant des garanties suffisantes d’exactitude et de correction. C’est là, à vrai dire, qu’il faut chercher la première manifestation imprimée du Contr’un.

Née, pour ainsi parler, avec les troubles, la renommée de la Servitude volontaire grandit avec eux et passa comme eux. Sous la monarchie libérale de Henri IV ou sous la puissante autorité de Richelieu ou de Louis XIV, on ne se préoccupa guère des opinions de La Boétie et son libelle fut tout à fait oublié. Seuls, quelques esprits curieux le recherchent encore et le lisent. Un poète bordelais, Martin Despois, nous apprend combien le Contr’un était rare au commencement du XVIIe siècle. Longtemps il désira l’opuscule. La libéralité d’un ami, Gabriel Cormier, le lui procure enfin et aussitôt il remercie son bienfaiteur de ce don par une charmante pièce d’hendécasyllabes latins, instructifs à bien des égards[1]. Une mort prématurée, dit-il, a fait périr La Boëtie, et voici que maintenant un oubli injuste frappe encore son œuvre, comme une nouvelle mort :

Sic mors eripuit secunda famam.

Pourtant La Boétie ne mérite pas ce destin : c’était un cœur généreux, une âme honnête, qui vivait dans un temps indigne de le comprendre :

Fuit pulcer olor Boetianus,
Indignus sociisque seculoque
Quod tum barbaries tenebat atra.
  1. Par le charme du style et la délicatesse du sentiment la pièce mériterait d’être citée, n’était sa longueur. Nous renverrons le lecteur aux poésies françaises, latines et grecques de Martin Despois, éditées avec une introduction et des notes par M. Reinhold Dezeimeris, dans les Publications de la Société des Bibliophiles de Guyenne (1875, in-8o, t. II, p. 107-110).