.316 ESTIENNE DE LA BOÉTIE · premierement deuote enuers Dieu: car c’eû fans doute la principale partie denoftre deuoir, & fans laquelle nulle autre action ne peut eftre ny bonne ny belle : &'celle là y eftant bien à. bon efcient, elle traine aprez foy par necefüté toutes autres actions de vertu. Apres Dieu, il te faut aymer 5 & honnorer ton pere & ta mere, mefme ta mere, ma fœur, que i’eftime des meilleures & plus fages femmes du monde, & te prie de prendre d’elle l’exemple de ta vie. Ne te laiffe
point emporter aux plailirs; fuis comme pefte ces folles
priuautez que tu vois les femmes auoir quelquefois auec 10 les hommes, car encores que fur le commencement, elles _n’ayent rien de mauuais; toutesfois petit à petit elles corrompent l’efprit, 8: le conduifent à Poyiiueté, & de là, ' dans le vilain bourbier du vice. Crois moy: la plus feure 3 garde de la chafteté à vne fille, c’eft la feuerité. Ie te prie, I5 &veux qu’il te fouuienne de moy, pour auoir fouuent deuant les yeux l’amitié que ie t’ay portee, non pas pour te plaindre & pour te douloir de ma perte, & cela deffens-ie à tous mes amys, tant que ie puis, attendu qu’il fembleroit qu’ils fuffent enuieux du bien, duquel, mercy à ma mort, ie me 20 verray bientoft iouïffantz & t’affeure, ma fille, que fi Dieu me donnoit à cefte heure à choifir, ou de retourner à viure encores, ou d’acheuer le voyage que i’ay commencé, ie ferois bien empefche au chois. Adieu ma niepce, m’amye. » Il fit apres appeller Madamoifelle d’Arfat fa belle fille, 25 & luy dit: « Ma fille, vous n’auez pas grand befoing de mes aduertiffements, ayant vne telle mere, que i’ay trouuee fi fage, fi bien conforme à mes conditions & volonteà, ne m’ayant iamais fait nulle faute. Vous ferez tresbien inftruite d’vne telle rnaiftreffe d’efcho1e. Et ne trouuez point eftrange 30 il moy, qui ne vous attouche d’aucune parenté, me foucie& me mefle de vous. Car eftant fille d’vne perfonne qui m’eft ü proche, il eft impoffible que tout ce qui vous concerne ne me touche auffi. Et pourtant ay ie toufîours eu tout le foing des affaires de monfîeur d’Arfat, voftre frere, comme des 35 miennes propres. Vous auez de la richeffe & de la beauté
�
