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et les séances du conciliabule furent ouvertes, le 3 janvier 1562, par L’Hospital, qui exposa dans un langage élevé ses sages desseins à cet endroit. De ces discussions sortit le célèbre Édit de Janvier, que le roi signa le 17. Ce document important, qu’un moderne historien protestant considère comme l’édit le plus libéral que ses coreligionnaires aient obtenu jusqu’à l’édit de Nantes, reprenait aux réformés les églises dont ils s’étaient emparés, mais leur reconnaissait le droit de s’assembler sous certaines conditions.

Le Parlement de Bordeaux avait été représenté à Saint-Germain par son premier président, l’intègre Benoît de Lagebaston, Arnaud de Ferron et le procureur général Lescure. Celui-ci, en rentrant à Bordeaux, rapportait le texte de l’édit, dont la Cour s’empressa de prendre connaissance. Le Parlement de Paris, au contraire, au sein duquel l’influence des Guise était prépondérante, en refusa la vérification, demandée par le roi de Navarre, et ordonna même des poursuites contre le libraire Langelier, qui avait imprimé l’édit à vingt exemplaires seulement. Catherine dut intervenir, pour le faire enregistrer, et la Cour ne se soumit qu’après deux lettres de jussion. Mais le Parlement de Bordeaux, plus tolérant ou mieux avisé, enregistra l’édit sans retard. Le 30, on le publiait en présence des jurats et du lieutenant du grand-sénéchal, et, le 6 février suivant, lecture en fut faite, à son de trompe, parmi les carrefours de la ville[1].

C’eût été là une mesure d’une saine et judicieuse politique, si la mauvaise volonté persistante des partis ne l’avait pas rendue bientôt inutile. À Bordeaux, où l’on avait eu beaucoup à souffrir de toutes ces querelles, on se hâta de profiter de cette paix relative. Les huguenots installèrent bien vite un prêche au quai des Chartreux, dans un chai, et peu après ils prêchèrent officiellement à Cambes et à Beautiran, aux portes même de la ville[2].

Nous savons par Montaigne que La Boétie voulut donner son jugement sur la tolérance de L’Hospital et de la reine-mère. Au témoignage de son ami, il avait composé « quelques mémoires de nos troubles sur l’Edict de janvier 1562 ». Par malheur, ce sentiment ne nous est point parvenu, car Montaigne trouva à ces réflexions, ainsi qu’au Discours de la Servitude volontaire, « la

  1. Théodore de Bèze, Histoire des églises reformées, t. I, p. 789. — E. Gaullieur, op. cit., t. I, 344.
  2. Jean de Gaufreteau, Chronique bourdeloise, t. I, p. 98.