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198 ESTIENNE DE LA BoÉ'r1E Toutefois ie fçay bien, touchant cette opinion, qu’aucuns tiennent & la donnent à entendre à plu- tieurs, que les hommes, depuis qu’ils font vne fois dittous par la mort, n’ont en nul endroit nul mal ny tourment, ie fçay bien, dis-ie, quant à cette opinion, 5 que la religion de nottre païs te gardera de la croire, & les fentences qui fe `difent par myttere aux fettes de Bacchus, que nous fçauons entre nous qui en _L’à»»eî/2 fommes participans. Doncques, prefuppofant l’ame mmwmà ettre immortelle, imagine en toy qu’il luy auient de 10 mefmes que ès oyfeaux qui font pris: car, ti l’ame fe nourrit long temps auec le corps, & par grands maniements d’affaires & long vfage ûaccouttume & ûappriuoife en cette vie, quand elle Pen deloge & ûen reuole, elle y rentre tout à coup par le moyen 15 des renaitïances, & ne cette de f·empel`cher toutiours des patlions &. fortunes que nous auons icy. Et ne penfe pas que la vieilleffe foit tant maudite & blafmee fur les rides & le poil gris & la foibletïe du corps; Quel mal q mais cett aage là a ce mal qui luy ett plus àreprocher zo

 que nul autre, qu’il etloigne l’ame & Peltrange du

fouuenir de ce qu’elle voyoit au lieu dont elle ett venue, &. parmy les chofes d’icy l’appel`antit & la rend lourde & grotliere: car par les ans elle plie & contraint la forme & habitude de fon ettre, & garde 25 & entretient celle qu’elle a prife, par le moyen de tant de chofes qu’il luy a faillu endurer. Mais, au contraire, l’ame qui a demeuré peu de temps captiue, ayfément par les puitïantes loix de fa nature ett retenue en ta forme naturelle, n’ayant pris du corps qu’vne façon 30 de ply encores fraiche &0molle : car ainti que le feu,