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meflee, rendre à tous deux en commun ce qui en prouiendra ; mais de telle façon que l’vn ny l’autre ne puiſſe diſcerner ne recognoiſtre ce qui luy appartient 35 en ſeul, ne ce qui eſt à l’autre. Donc, il faut ſur tout Communauté de biens entre les mariez. qu’entre les mariez il y aye vne telle communion de biens, qu’ayant tout aſſemblé & meſlé, n’y aye celuy d’eux qui eſtime l’vne choſe particulierement ſienne, & l’autre non, mais tout ſien & rien d’autruy.

40 Tout ainſi qu’en la meſlange du vin & de l’eau, XII. « [B]elle ſimilitude du vin & de l’eau ». encores qu’il y aye de l’eau plus largement, ſi l’appellons nous touſiours vin ; ainſi fault-il dire que le bien & la maiſon ſont du mary, encore que la femme y en aye apporté plus que luy de ſon coſté.

45 Heleine aymoit les biens, Paris le plaiſir ; Vlyſſe eſtoit XXII. Le mariage d’aucuns heureux, d’autres mal heureux, & pourquoy. ſage, Penelope chaſte : voilà pour quoy le mariage de ceux ci fut heureux, & merite qu’on l’honore & qu’on ſ’eſſaye de l’enſuiure ; & le mariage d’Heleine & Paris apporta vne grande Iliade de maulx aux Grecs & aux 50 Troyens.

Vn Romain fut blaſmé par ſes amis de quoy il auoit XXIII. fait diuorce auec ſa femme ſage, riche, ieune & belle, & il leur tendit ſon ſoulier : Si eſt bien auſſi ce ſoulier bel & neuf à le voir, dit-il, mais nul ne ſçait où il 55 me bleſſe. Il ne faut doncques point que la femme Que la femme ne ſe doit glorifier de ſa race, ou beauté. mette grand eſpoir ny en ſa race, ny en ſa beauté ; mais qu’elle ſ’aduiſe aux accidents qui ſuruiennent aux façons, aux propos communs, qui ſont choſes qui touchent de plus pres au cueur du mary ; mais qu’elle 60 ſ’aduiſe, dis-ie, en cela, de n’eſtre ny rude, ny faſcheuſe, mais auenante, plaiſante & amiable. Car, tout ainſi que les medecins ſur toutes fieures craingnent