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comportent avec tant de modestie et discrétion qu’ilz ne vous donnent occasion de changer de délibération. » La politique était habile sinon très sincère. Pour qu’elle eût quelque chance de succès, il fallait la faire mettre en pratique par des intermédiaires libéraux et de bonne foi. Là est le vrai motif du choix de Burie et de La Boétie.

Le 23 septembre, Burie vint lire au Parlement les lettres qu’il avait reçues de Charles IX. Les registres secrets font mention de cette cérémonie, et ils ajoutent qu’après cette lecture, Burie supplia la Cour de ne trouver mauvais si, pour le service du roi, il menait avec lui au pays d’Agenais Me Estienne de La Boétie, conseiller du roi en la dite Cour. « À quoy luy a esté respondeu qu’il pouvoit prendre pour le service du Roy, non seulement le dict La Boétie, mais tel autre de la dicte cour qu’il advizera[1]. »

Au reste, en faisant cette demande, Burie se conformait strictement aux ordres du souverain. En effet, le lendemain, 24 septembre 1561, on lut une nouvelle lettre de Sa Majesté, adressée à la Cour, par laquelle le roi donnait avis qu’il envoyait M. de Burie en quelques lieux de la Guyenne, pour réprimer l’audace et insolence d’aucuns de ses sujets. En conséquence, comme il lui est besoin de quelque homme de justice pour le conseiller et faire son procès-verbal, le roi mandait à son Parlement d’avoir à commettre et députer quelqu’un de son corps pour cet effet, auquel il fera taxer ses journées[2].

Dans cette même séance, La Boétie, que la Cour avait désigné la veille, à la demande de Burie, vint prendre congé de ses collègues. Il leur dit que, puisqu’ils avaient bien voulu l’y autoriser, il se proposait de partir en Agenois en compagnie du lieutenant général, et leur demanda s’ils n’avaient point autre chose à lui commander. La réponse fut négative et le jeune homme se retira. C’était là une mission délicate, pour laquelle La Boétie semblait désigné par ses travaux et par la modération de ses idées. Elle devait demander un temps assez considérable, car, peu après, nous trouvons que le greffier, Jean de Pontac, sollicite de la Cour, de la part de Burie, une prolongation de congé pour son compagnon, « parce qu’il s’en veut servir, non pour le mener aux champs, ains pour le retenir près de luy, en ayant à faire à toute heure ; ce que la cour lui accorda[3] ». Voyons comment La Boétie justifia la confiance de Burie et celle du Parlement.

  1. Bibliothèque Nationale, Fonds Périgord, n° 11, p. 422. — Bibliothèque publique de Bordeaux, ms. 367, f° 124 et 125, mentionné par Gaullieur, op. cit., t. I, p. 301.
  2. Bibliothèque Nationale, Fonds Périgord, n° II, p. 422. — Bibliothèque publique de Bordeaux, ms. 367, fos 124 et 125, mentionné par Gaullieur, op. cit., t. I, p. 301.
  3. Ibid.