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plet de la conduite à tenir. « Je n’oy tous les jours, disait le roi[1], aultres nouvelles que des insolences, excès, scandalles, ports d’armes et émotions qui se font ordinairement en une infinité de lieulx de mon pays du Guyenne, par des gens qui n’ont nulle religion, au moings les actes le démontrent. Et pour ceste cause, d’autant que cela en quelque sorte que ce soyt est contraire à la religion, et qu’il est croyable que tels malheureulx seront désadvouez par tous les gens de bien, de quelque religion qu’ilz soyent, j’ay advizé avant que le mal passe plus oultre d’y pourvoir et remédier, en faisant chastier ceulx qui sont autheurs de tels maléfices. » Pour cela, le roi autorisait M. de Burie d’assembler sous ses ordres les compagnies de gens d’armes du pays de Guyenne et de lever trente arquebusiers à cheval, dont le commandement serait confié à quelque gentilhomme de bien. Le roi envoyait les appointements nécessaires à ces trente hommes pour subsister pendant deux mois et aussi l’argent indispensable à ces nouvelles démarches. De plus, il adressait à Burie une douzaine de lettres en blanc, tant pour les baillis et sénéchaux des villes où il devait passer, que pour les membres de la noblesse qui pouvaient prêter main-forte dans cette délicate entreprise.

La partie la plus intéressante de la lettre est, sans contredit, celle dans laquelle Charles IX expose comment il veut que ses ordres soient exécutés. « Vous ferez bien entendre aux principaulx, disait-il en terminant, que vous ne venez point là pour les chastier, pour le fait de la religion qu’ilz tiennent, que vous n’estes envoyé et n’avez commission de moy que de pugnir ceulx qui abusent du nom de la religion à une infinité de scandalles, violences, meurtres et séditions, qui ne sentent rien moings que la profession qu’ilz font et le nom de chrestien qu’ilz portent. Lesquelz font tant de tort à leur réputation et à leur cause qu’ils debvroient par tous moyens tascher et procurer d’exterminer telles gens d’entre eulx qui ne servent que d’aigrir et moy et tout mon conseil et tout mon royaume, contre eulx et ceulx qui les favorisent. Et pour ceste cause qu’ilz demeurent en paix et vous aydent et assistent, comme ilz ont offert, à laisser pugnir telz séditieulx qui se couvrent d’eulx et de leur faveur à toute impiété et scandalle, estaris certains et asseurez que pour leur religion vous ne les molesterez ny travaillerez aulcunement, pourveu aussy que de leur part ilz se

  1. Bibliothèque Nationale, Fonds français, n° 15, 875, f° 207.