Page:La Boétie - Œuvres complètes Bonnefon 1892.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera bon, n’estant loing de là, que vous y faciez ung tour, car vostre présence y servira grandement et vous leur sçaurez aussi trop mieulx faire entendre ce qu’ilz auront à faire que autre qui y puisse aller[1]. » Suivant ces instructions, Burie s’y rendit donc sans retard. En arrivant, le lieutenant du roi trouvait les esprits fort échauffés, et le nombre des mécontents était étrangement augmenté. Chacun, il est vrai, se disait le fidèle serviteur du roi, mais aussi chacun réclamait la faculté de pouvoir agir selon sa propre volonté[2]. Pourtant, grâce au sens politique et aux habiles concessions de Burie, le soulèvement n’eut pas les suites fâcheuses qu’on aurait pu redouter.

En présence de la tournure favorable que prenaient les événements, Burie crut qu’il était inutile de demeurer plus longtemps à Agen. À peine avait-il quitté cette ville, que les dissensions religieuses y recommençaient avec autant de vigueur et que les réformés, non contents des locaux qu’il leur avait assignés pour leurs réunions[3], s’emparaient du couvent des jacobins, « tant pour y prescher que pour y loger des ministres ». L’autel et les statues en furent brisés. De plus, à cette cause de troubles, vinrent s’ajouter d’autres motifs de discordes. Partout où les catholiques étaient les plus puissants, à Libos, à Tournon, ils faisaient subir à leurs adversaires des vexations que ceux-ci s’empressaient de leur rendre, lorsqu’ils étaient en force. À Condom, à Penne, à Villeneuve-d’Agen, les huguenots avaient chassé les moines, brisé les autels et jeté au feu les reliques des saints.

Le bruit de ces nouveaux excès parvint aux oreilles du roi. Charles IX était fort irrité de ces désordres, « en cette saison où il semble que plusieurs abusent de la doulceur et clémence dont elle (sa majesté) a uzé depuis son avènement à la couronne, ont prins une licence si affreuse qu’elle ne promect rien moings qu’une subversion en toutes choses, si elle estoit plus longtemps tollérée »[4]. Aussi s’empressa-t-il de confirmer les instructions qu’il avait précédemment envoyées à Burie le 9 juillet de la même année, par l’entremise du capitaine Arné, guidon de la compagnie du roi de Navarre, et ordonna-t-il à son lieutenant, dans des lettres datées de Saint-Germain-en-Laye, le 4 septembre 1561, de se rendre au plus vite en Agenais, pour y achever la pacification des esprits.

Cette missive est longue et détaillée : elle retrace le plan com-

  1. Lettres de Catherine de Médicis, publiées par le comte H. de la Ferrière (dans la collection des Documents inédits sur l’histoire de France), t. I, p. 196.
  2. Archives historiques de la Gironde, t. XIII, p. 151.
  3. Burie les autorisait à se réunir au petit temple de Saint-Fiari, à la condition d’être paisibles. (E. Gaullieur, op. cit., t. I, p. 273.)
  4. Bibliothèque Nationale, Fonds français, n° 15, 875, f° 3.