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n’étaient là que des fonctions peu importantes. Quels que fussent son savoir et son intelligence, La Boétie comprenait que son inexpérience ne pouvait que gagner à garder le silence et à observer. Il se préparait mieux, de cette façon, au rôle plus important qu’il allait jouer bientôt parmi ses collègues.

C’est seulement en 1560 que la personnalité de La Boétie commença à s’affirmer au Parlement de Bordeaux[1]. Au début même de l’année, nous le voyons désigné par la Cour pour des missions particulières. Voici en quelles circonstances. Au Collège de Guyenne, les représentations théâtrales faisaient, pour ainsi dite, partie intégrante des programmes d’éducation[2]. Une lettre de Britannus nous apprend qu’à l’origine de ce célèbre établissement les élèves organisaient déjà des représentations, dont le succès n’était pas toujours assuré. Sous la direction de Gouvéa, qui recherchait tous les moyens de rendre plus prospère encore la maison confiée à ses soins, ce goût ne fit qu’augmenter, et le Collège de Guyenne acquit, à ce point de vue, une grande réputation. Montaigne, qui y joua, l’atteste, et nous possédons les tragédies que les professeurs Muret, Buchanan, composaient à cette intention. Mais les désordres avaient fini par se mêler à ces amusements. En avril 1556, à la suite d’abus devenus de jour en jour plus graves, le Parlement avait dû défendre à tous bateleurs, enfants sans souci et autres joueurs de farces, de représenter aucunes pièces « concernant la religion ou foi chrétienne, la vénération des saints et les saintes institutions de l’Église »[3]. En 1558, à la suite de nouveaux troubles survenus dans le Collège de Guyenne même, la Cour étendit sa censure à cet établissement, et décida qu’à l’avenir on n’y représenterait aucune pièce qui ne lui eût été soumise auparavant. C’est pour ce motif, qu’en 1560, Jean Deniset, régent des primani ou professeur de rhétorique[4],

  1. Sur le rôle de La Boétie au Parlement, voir Appendice III.
  2. E. Gaullieur, Histoire du collège de Guyenne, p. 256, et aussi Histoire de la Réformation à Bordeaux et dans le ressort du Parlement de Guyenne, t. I, p. 251.
  3. Archives historiques de la Gironde, t. III, p. 466.
  4. C’est sans doute le même Jean Deniset, de Sens, qui publie en 1579, chez Frédéric Morel, Philosophiœ naturalis epitome (in-4°), et, l’année suivante, Totius artis disserendi compendium libri IV (1580, in-4o). Cf. Répertoire des ouvrages pédagogiques du XVIe siècle, Paris, 1886, in-8o, p. 200.