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car l’un et l’autre, par leur savoir comme par leur probité, honorèrent le Parlement de Bordeaux, riche pourtant en grands hommes et en grands souvenirs. D’ailleurs, en pénétrant dans ce corps si attaché à ses traditions, si jaloux de ses prérogatives, La Boétie n’y arrivait pas comme un étranger. Sa mère qui était une Calvimont, était la sœur du président de Calvimont[1], et son propre mariage, dont nous ignorons la date, mais qui ne put être que postérieur à son entrée au Parlement, ne fit que multiplier ces alliances et les rendre plus étroites encore. Probablement peu de temps après avoir été pourvu de sa charge, Estienne de La Boétie épousait Marguerite de Carle, sœur du célèbre Lancelot de Carle, évêque de Riez, et aussi du président Pierre de Carle, qui lui-même avait épousé la sœur d’Arnaud de Ferron[2]. Depuis 1552, Marguerite de Carle était veuve de jean d’Arsac, seigneur d’Arsac, du Castera de Saint-Germain, de Lilhac et de Loyrac en Médoc, et qui était issu d’une vieille famille de chevalerie[3]. Dans cette union La Boétie trouva le bonheur domestique, et plus tard, à son heure dernière, il eut la suprême consolation de s’endormir entre les bras de celle qu’il nommait alors « sa bien aymée femme et expouse », et qu’il déclarait avoir rencontrée « si sage, si conforme à ses volontés, et ne lui ayant commis nulle faute ».

Dès les premiers temps de sa présence au Parlement, La Boétie se distingue par une conscience scrupuleuse à remplir les devoirs de sa charge. Les registres nous apprennent qu’il assistait très régulièrement aux séances, et nous le voyons successivement siéger aux diverses chambres. La Cour lui confie même quelques travaux particuliers. C’est ainsi qu’il est chargé, le 15 mars 1555, de concert avec son collègue François de La Guyonnie d’examiner le sieur Lagarde, pourvu de l’office de lieutenant-général à Tulle, et tous deux concluent à son admission au serment[4]. Mais ce

  1. Les liens de parenté d’Estienne de La Boétie avec la famille de Calvimont sont ci-aprés indiqués à l’Appendice II.
  2. Ce degré de parenté est nettement désigné dans un acte du 9 décembre 1559, par lequel les jurats de Bordeaux, ayant un procès avec un marinier de Toulouse, récusent cinquante et un membres du Parlement, qu’ils regardent comme prévenus contre eux. Dans ce nombre figurent le président de Carle et La Boétie, celui-ci parce qu’il « a espousé la sœur de Monsieur le président de Carle. » (Archives historiques de la Gironde, t. XIX, p. 470.) — Sur Lancelot de Carle, évêque de Riez, l’ami de Ronsard et de toute la Pléiade, je me contenterai de renvoyer à sa Vie par Guillaume Colletet, publiée par M. Ph. Tamizey de Larroque, avec des notes comme il sait en faire (Vie des poètes bordelais et périgourdins, 1873, in-8o). j’ai moi-même étudié l’helléniste, chez Lancelot de Carle, en éditant sa traduction du premier livre de Théagène et Chariclée. Je me bornerai à compléter ce que j’en disais alors par un renseignement qui m’avait échappé et que je trouve dans la belle Bibliographie hellénique de M. Émile Legrand (Paris, 1885, 2 vol. in-8o). C’est à Lancelot de Carle que le célèbre Ange Vergèce dédia son édition du Pimander (Paris, 1554, in-4o), dans une épître grecque que M. Legrand a reproduite (t. I, p. 292).
  3. Th. Malvezin, Michel de Montaigne, son origine et sa famille, p. 137.
  4. Jean de Métivier, Chronique du Parlement de Bordeaux, publiée par A. de Brezetz et Jules Delpit, t. II, p. 114.