Page:La Boétie - Œuvres complètes Bonnefon 1892.djvu/172

Cette page n’a pas encore été corrigée

86 ` ESTIENNE DE LA BoÉr1E I i Cire, pour eftre tout fingulierement beau: mais fur _ tout, trop plus que nulle autre chofe, i’adm»ire l’ouurier ·qui vous a compaffé & ordonné cecy. Cire, 1’oyant parler ainfi, en fut bien aife. Moy mefme doncques, ·ô Lifandre, ay le tout compalïé & ordonné, comme 5 tu le vois; & encores, dit il, y a prou de ces arbres que i’ay planté moy mefme. Lors Lifandre le regar- d dant, &. voyant la beauté de fon habillement, & fentant les perfums qu’il portoit, & aduifant la richelïe de fa -chaine & de fes bracelets, & de tout le refte de fa ro parure: Que dis tu, ô Cire, dit il; eft il poflîble que tu ayes planté aucun de ces arbres de ta main? Aucun de ces arbres? tu t’esbahis doncques de cela, ô Lifan-

 dre, refpondit Cire : ie te iure le Soleil, que tant que

zu-epas. i’ay eu vn iour de fanté, ie n’ay iamais faiét repas, I5 premier que d’au0ir trauaillé iufques à fuer, m’exer- citant ou bien aux armes, ou bien à Pagriculture, ou à faire quoy que ce foit que i’aye prins à cœur. Lifandre à l’heure Pembraffe, & luy dit: Certes, ô Cire, tu es vrayement bien heureux, & à bon droit: car en toy 20 la fortune accompagne la vertu. Chap.g. Tout ceci t’ay ie voulu conter, ô Critobule, dit Socrates, à fin que tu entendes que ceux là mefme qui font les mieux fortunez, ne fe peuuent garder Louange de qu’ils ne vaquent à Pagriculture. Car il femble que 25 l’Agri°"”m' cette occupation faiét fentir à qui ûy eftudie vn merueilleux plaifir, vn grand accroiffement de bien, &dreffe le corps pour fçauoir tout ce-qui eft bien feant & conuenable à vn ho1nme bien né. Premierement, tout ce dont les hommes viuent, la terre le produit à 30 ceux qui la cultiuent; & tout ce dont les hommes