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78 ESTIENNE DE LA EBOÈTIE beaucoup de chemin pour aller voir les ieus des comedies; & maintefois m’as prié de grande affection d’aller auecques toy. Mais tu ne me conuias iamais pour aller voir aucun de ces effects de la mefnagerie. C’eft donc à dire, ô Socrates, qu’il te femble qu’il y a 5 bien en moy de quoy fe mocquer. Mais c’eft à toy, dit Socrates, qu’il le femble, ce croy ie, plus qu’à Izpoumm moy. Mais encore ü ie te monftre aucuns qui n’ont _/-071 propos. _ . . _ pas a grand’pe1ne de quoy viure, & font venus a cefte extremité pour aymer les cheuaux; &'d’autres qui IO pour les auoir aymez auiïi, font maintenant fort ayfez, & fe vantent du profit qu’ils y ont trouué? Cela voy ie bien moy mefme, dit Critobule, & cognois & les vns & les autres; & pourtant ne fuis ie pas du nombre de ceux qui gaignent. Pour ce, dit Socrates, que tu 15 les vois tout ainfi comme tu regardes les ioueurs des tragedies & comedies, non pas, ie croy, pour deuenir bon poëte, mais pour te donner plaifir à voir _ ou à ouïr quelque chofe. Et parauenture que d’en vfer ainli aux ieux tu n’as pas de tort, cartu n’as pas zo d’enuie d’e1tre poëte; mais puis que tu es contraint de tenir grande efcuyrie, ne penfes tu pas eftre bien mal fage, fi tu ne prens garde de t’entendre en cheuaux, veu mefmement que les mefmes chofes font bonnes pour en auoir feruice, & prouiitables pour en tirer 25 gain à les vendre? Tu veux doncques, Socrates, dit il, que ie fois maquignon de cheuaux. Non ie t’af— feure, dit Socrates, non plus que d’acheter des enfants ferfs, & les faire de la main dés leur ieune aage, pour eftre laboureurs. Mais i’eftime qu’aux hommes & aux go cheuaux il y a quelque certain aage, auquel on fe