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religieuse. Le gouvernement du prieuré des Courts, dans l’évêché de Nantes, membre alors dépendant de ladite abbaye, fut son début dans l’administration cénobitique. Puis, environ l’an 1378, elle fut élue pour succéder à Marquize de Rieux, et gouverna l’abbaye de Saint-Georges vingt-huit ans.

Avant d’être abbesse de Saint-Georges, Julienne se signala par un trait de courage et d’intrépidité dont les chroniqueurs et les historiens bretons[1] ont conservé le souvenir. Elle était, avec sa belle-sœur Tiphaine Raguenel, réfugiée, durant la guerre, dans le château de Pontorson, dont son frère Bertrand était gouverneur. Pendant l’absence de du Guesclin, occupé à quelque expédition, un capitaine anglais, Jehan Felleton [2], entreprit de se rendre maître du château par surprise. Une nuit, au printemps de l’année 1363, il en tenta l’escalade, comptant sur des intelligences qu’il s’était ménagées dans la place.

Julienne dormait non loin de la muraille que gravissaient en silence les assaillants. Un songe merveilleux, suivant la tradition, l’avertit du danger. Qu’il y ait eu miracle ou non, toujours est-il qu’éveillée bien à propos, elle se leva, courut en armes droit à l’endroit où les échelles étaient dressées, renversa les premiers Anglais, qui déjà atteignaient les créneaux ; puis, jetant le cri d’alarme, l’héroïne mit sur pied la garnison et sauva ainsi Pontorson de la tentative de Felleton et de ses Anglais.

Julienne du Guesclin « ressentait sa race, » comme dit d’Argentré ; elle ne démentit pas, en effet, la valeur des chevalins bretons dont elle était descendue. La piété et la vail-

  1. Histoire de Bretagne, de Bertrand d’Argentré, p. 470 (édition de 1588). — Histoire de Bertrand du Guesclin, par P. Hay du Chastelet, liv. II, p. 47 (édition de 1666).
  2. Quelques auteurs rappellent William ou Guillaume Pelton.