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dominé l’âme hindoue et qui demeure, à travers les âges, comme le pôle vers lequel toujours elle gravite. Brahman devient le nom de l’absolu, mais il ne le devient que parce qu’il a d’abord désigné la prière, l’hymne et, par extension, l’ensemble du sacrifice.

D’autre part, l’idée de la transmigration, une fois établie, se complète et s’organise ; le mérite acquis ou le démérite encouru pendant les existences terrestres, apparaît comme un capital moral, en crédit ou en débit ; la balance conditionne la nature des naissances qui se succéderont pour chacun, agréables ou pénibles. C’est ce qu’on appelle le Karman, littéralement l’ « acte », le fruit des actes. Et il était naturel que le Karman prît ainsi figure de cause universelle, chaque action devenant nécessairement cause d’action, donc d’existence ultérieure. Parallèlement, dans la tradition sacerdotale, Karman désigne l’acte rituel auquel est attribuée une vertu infinie.

Ces homonymies ont-elles jamais été purement accidentelles ? On voit, du moins, à quelles constructions elles risquaient d’encourager des esprits qui, impressionnables aux jeux mystiques, traversent une crise de croissance où ils se montrent à la fois très épris de formules, peu regardants sur la solidité des rapprochements, prompts à se payer de comparaisons et d’à peu près.