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peu suspect. Il se heurte ici à une objection décisive.

Il n’est pas douteux que la Bhagavadgîtâ rapproche des théories, des termes, des classifications qui s’opposent dans les formules définitives des deux écoles philosophiques. Mais, sans parler de livres comme les « Lois de Manu », presque tous les morceaux didactiques du Mahâbhârata sont dans le même cas[1].

Et que dire de toute une série d’upanishads, Kâṭhaka, Çvetâçvatara, Maitrâyaṇa, Muṇḍaka, où le mélange est cependant trop intime pour se laisser disjoindre en courants autonomes ? Un fait si étendu, si lié, ne s’explique pas par des accidents fortuits. Nous sommes en présence d’un état d’esprit qui a eu de la consistance et de la durée. La Bhagavadgîtâ n’en est qu’une manifestation entre beaucoup d’autres, à mon avis la plus instructive. Comment le faut-il entendre ? Et comment s’est-il produit ?

Prenant, en quelque sorte, le contrepied des vues que j’écartais tout à l’heure, un critique a, dans cette condition des croyances, cru reconnaître un moment normal de l’évolution des idées : ce qui, pour d’autres, est le mélange paradoxal de sys-

  1. Il importe peu que plusieurs, appartenant à une époque plus basse, expriment un syncrétisme déjà plus consolidé en thème doctrinal.