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texte primitif aurait, ultérieurement, de mains dirigées par une philosophie rivale, subi des altérations, surtout des additions essentielles.

Dans le cadre de l’orthodoxie brahmanique, deux systèmes spéculatifs principaux s’affrontent : le Vedânta moniste qui proclame l’unité de tout dans l’être absolu (brahman, âtman), le Sâṃkhya, qui s’inspire d’un dualisme irréductible en séparant complètement l’esprit et le monde sensible (purusha et prakṛiti). C’est, chose singulière, tantôt l’un, tantôt l’autre, que l’on a tour à tour présenté comme ayant présidé soit à la rédaction, soit aux retouches.

On s’est appliqué à discerner les morceaux de provenances différentes ; tentatives fragiles autant qu’arbitraires. Bien des incohérences échappent ou résistent. Un remaniement intentionnel, imposé par des convictions intransigeantes, aurait dû, semble-t-il, procéder par élimination des doctrines adverses ; ici les philosophèmes contradictoires se juxtaposent et s’associent, le plus souvent sans que se manifeste aucun effort pour en atténuer ou en concilier les antinomies.

Il faut certainement renvoyer dos à dos les deux thèses.

On a, plus d’une fois, abusé de cet expédient qui consiste à admettre de vastes interpolations. Il est trop commode pour n’être pas d’abord un