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MAHOMET. 11

Un point de réunion devient forcément un point commercial. Les Arabes du Hedjaz, province sablonneuse et montueuse située le long de la mer Rouge, en face de la haute Égypte et de la Nubie, ceux surtout de la vallée de la Mecque, ont contracté, par suite de cette position, un caractère mixte qui les a rendus propres à être simultanément marchands, sectaires et valeureux conducteurs de caravanes. On reconnaît de tout cela en Mahomet. Il appartenait, par son père et par sa mère, à deux des principales familles de la tribu des Koreichites, maîtresse, depuis plus d’un siècle, de l’intendance de la Kaaba, poste qui procurait des avantages matériels, puissants moyens de domination par tout pays.

Mahomet, orphelin de père au moment de sa naissance, et de mère à l’âge de six ans, et ne possédant pour toute fortune, malgré son origine aristocratique, que cinq chameaux et une négresse, avait été recueilli par son grand-père maternel, le très-respecté Abd-el-Mouttaleb et, a la mort de celui-ci, en 578, par son oncle, le non moins respecté Abou-Tâleb. Les écrivains musulmans donnent d'infinis détails sur ses faits et gestes pendant son enfance : il convient de se défier de ces récits caressés par de pieuses imaginations. Deux traditions sont seules à conserver. Amina, la jeune mère du futur prophète, avait dû renoncer à l’allaiter. Elle était très-pauvre ; elle n’était parvenue qu’à grand’peine a faire marché avec une Bédouine. Lorsqu’elle voulut reprendre son enfant, la nourrice la supplia de le lui laisser encore : le nourrisson accepté par charité avait porté bonheur à la tente. Mahomet n’oublia jamais ni sa mère, ni sa nourrice, ni sa négresse, ni la misère de ses premières années : on le sent à l’émotion avec laquelle il recommande, en maint endroit de son Koran, la reconnaissance aux enfants, l’amour de la famille aux parents, la justice et la générosité aux maîtres, et, à tous, la charité envers les orphelins.

L’autre tradition est purement légendaire, mais elle est bien dans le génie de l’Arabe de la péninsule. Cet enfant positif et railleur, n’admet que ce qui se perçoit par les sens, et, par manière de compensation, croit de temps en temps à ce qui est colossalement hors nature : Deux anges s’emparèrent de l’enfant, lui fendirent la poitrine, lui sortirent le cœur, le lavèrent, le remirent en place, rejoignirent les lèvres de la blessure et disparurent laissant l’opéré mieux portant, plus gai qu’auparavant. Déjà, d’ailleurs, il avait reçu pour signe visible de son prophétisme, une loupe charnue logée entre les deux épaules.

Mahomet avait dû entendre ces deux contes et c’est probablement pour ne pas être, en fait de hardiesse, inférieur a ses inventifs admirateurs qu’il disait de lui : « Adam était encore entre le corps et l’esprit, entre l’eau et l’argile, que j’étais déjà prophète. La première chose que Dieu créa ce fut ma lumière[1]. »

À treize ans, en 583, il accompagna en Syrie son oncle, commerçant comme tous les Koreïchites. La légende musulmane s’est emparée de ce voyage. Un moine chrétien, Djirdjis ou Sergius, à Basra, aurait, suivant elle, deviné un envoyé de Dieu, dans l’enfant qui l’étonnait par sa science dans les choses saintes, l’aurait salué de ce titre et lui aurait conseillé de se garder des Juifs, ennemis de tous les prophètes nouveaux. La légende chrétienne n’a pas négligé non plus ce moine Sergius. Il n'a point

  1. Prolégomènes d’Ibn-Khaldoun, traduction de M. de Slane. T. I. p. 2.