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MAHOMET. 9

sont ordinairement des Juifs qui s’en sont rendus coupables. Le christianisme ne comptait pas beaucoup d’adeptes et ceux qui le professaient n’en avaient qu'une connaissance superficielle... Cette religion renfermait trop de miracles et de mystères pour plaire à ce peuple positif et railleur. Les idolâtres, enfin, qui formaient la majeure partie de la nation, qui avaient des divinités particulières à chaque tribu, presque à chaque famille, et qui admettaient un Dieu suprême, Allah, auprès duquel les autres divinités étaient des intercesseurs, les idolâtres avaient un certain respect pour leurs devins et leurs idoles. Cependant ils massacraient les devins si leurs prédictions ne s’accomplissaient pas ou s’ils s’avisaient de les dénoncer quand ils trompaient les idoles en leur sacrifiant une gazelle au lieu d’une brebis qu’ils avaient promise, et ils injuriaient les idoles si elles ne répondaient pas à leurs désirs, à leurs espérances. »

« Quelques-uns, dit M. Caussin de Perceval[1], rendaient un culte aux astres et surtout au soleil. Les Kinâna adressaient des hommages à la lune et à l’étoile Aldébaran[2] ; les Lakhm et les Djorhom, à la planète de Jupiter ; les enfants d’Acad. . . . à celle de Mercure ; les Benou-Tay, à Canope ; les descendants de Cays-Aylan, à Sirius. »

Leur métaphysique était à la hauteur de leurs idées religieuses :

« Les uns pensaient que tout était fini pour l’homme quand la mort l’avait retranché de ce monde ; d’autres croyaient à la résurection et à une autre vie. Ceux-ci, lorsqu’ils avaient perdu un de leurs parents ou amis, égorgeaient sur sa tombe une chamelle, ou l’y attachaient et la laissaient mourir de faim, dans la persuasion qu’elle renaitrait avec lui et lui servirait de monture quand il irait se présenter au jugement d’Allah[3]. Selon eux, l’âme en se séparant du corps, s’envolait sous la forme d’un oiseau qu’ils nomment hâma ou sada, espèce de chouette qui ne cessait de voltiger auprès de la tombe du défunt en poussant des cris plaintifs et lui apportait des nouvelles de ce que faisaient ses enfants. Si l’individu avait été victime d’un meurtre, l’oiseau criait : « Escouni ! donnez-moi à boire » et il continuait de faire entendre ce mot jusqu’à ce que les parents du mort l’eussent venge en versant le sang du meurtrier[4]. »

Les mœurs privées se ressentaient d’une situation qui dénote des populations qu’on dirait sorties, à peine, de la première phase sociale, si les familles, bien plus que les tribus — ce point est à noter — n’avaient été curieuses de leurs généalogies et si, chose plus singulière, la connaissance des lois et des richesses de leur langue n’avait été, de leur part, l’objet d’une attention toute particulière.

« Les Arabes, continue le grave auteur a qui nous avons emprunté la plupart des

  1. Hist. des Arabes.
  2. La Brillante, étoile de première grandeur, placée dans l’œil de la constellation du Taureau.
  3. M. Caussin de Perceval aurait pu faire remarquer que la même coutume a existé chez toutes les nations dont la souche première se cache dans l’Asie centrale. Les érudits qui ne s’attachent qu’à enregistrer les faits locaux, ne rendent que de demi services à la science. Le XIXe siècle, après avoir refait les Histoires particulières, éprouvera certainement le besoin d’achever l’œuvre en fondant l’Histoire comparée.
  4. Caussin de Perceval. Hist. des Arabes.