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iii
PRÉFACE.

César vomit sur nous des nuées de barbares qui nous apportèrent le meurtre, le pillage et l’incendie. Il est naturel de conjecturer que beaucoup de victimes parvinrent à se soustraire à la rage de leurs bourreaux. Cette conséquence admise, ces émigrants durent échanger avec leurs hôtes, un certain nombre d’expressions… Comment, vont s’écrier les savants, auriez-vous l’intention d’insinuer qu’une contrée pauvre et circonscrite nous a légué la langue primitive des anciens Gaulois ? Comprenons-nous, a-t-on exhumé, l’origine du vieux langage ? Était-il commun à toutes les Gaules ? Un grave historien convient, qu’à la rigueur, on ne saurait donner une solution satisfesante à ces questions ; attendu qu’elles lui paraissent passablement ardues. Je le crois sur parole, attendu que nous croupissons dans la même ignorance à l’égard des Gaulois modernes ; cependant nous savons que vingt siècles sont à peine écoulés depuis l’abdication de leur nationalité. Tranchons la question ; les peuples qui n’ont point écrit, avant de passer sous le joug, ne laissent que des souvenirs fugitifs de leur langage ; et nous savons que les Gaulois avaient le bon ou le mauvais esprit de ne point écrire. Oui, notre pays n’avait que peu d’étendue, et je l’ai mentionné plus haut : sans doute ses habitants étaient pauvres, mais ils vivaient sans ambition. Nous avons été vaincus, traqués, et jamais entièrement asservis. Voilà ce que je veux faire remarquer ; et j’ajoute, sans insinuation, que notre idiome se perd dans la nuit des temps ; et que nous reconnaissons de mots wallons dans toutes les langues sans exception. S’il a subi l’influence d’une appauvrissante exubérance, il n’en a pas moins conservé son type distinctif. Dans quelle langue retrouve-t-on sa mâle concision ? Dans aucune ; et mes compatriotes le diront avec moi, nos proverbes et nos gallicismes sont inimitables[1]. Si les étrangers nous comprenaient, ils seraient étonnés d’entendre nos vieillards prodiguer leurs archaïsmes à pleines mains ; ils seraient plus surpris encore de l’ex-

  1. Par la plus bizarre anomalie, les éléments métaphysiques qui constituent la manière de rendre la pensée, se reconnaissent dans les idiomes du midi de la France