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le palais la belle Nausica. Maintenant Euryméduse dispose le feu et prépare le repas.

Alors Ulysse se lève pour aller à la ville. Minerve-Pallas chérit ce héros, le couvre d'un épais nuage afin que sur sa route les magnanimes Phéaciens ne puissent ni le railler ni l'interroger. Quand Ulysse est près d'entrer dans cette agréable cité, Minerve, la déesse aux yeux d'azur, marche à sa rencontre sous les traits d'une jeune fille portant une urne ;

elle s'arrête devant lui, et Ulysse lui parle en ces termes :

« Ô ma fille, pourrais-tu me conduire dans la demeure du héros Alcinoüs, roi des Phéaciens ? Je suis un malheureux voyageur et je viens d'un pays éloigné. Je ne connais, moi, aucun des hommes qui habitent cette ville et cultivent ces champs. »

La déesse Minerve lui répond :

« Oui sans doute, vénérable étranger, je t'indiquerai la demeure que tu me demandes ; car le palais de mon irréprochable père touche à celui d'Alcinoüs. Mais marche toujours en silence, et je te montrerai le chemin : surtout ne regarde ni n'interroge personne. Les Phéaciens ne sont point favorables aux voyageurs, et ils accueillent sans bienveillance ceux qui viennent des pays lointains. Ces peuples, protégés par Neptune, se fient à leurs navires légers et rapides, et ils sillonnent sans cesse l'immense surface de la mer ; car leurs vaisseaux sont légers comme l'aile et rapides comme la pensée.»

Minerve ayant ainsi parlé précède le héros qui suit ses pas. — Les Phéaciens, navigateurs illustres, ne l'aperçurent point lorsqu'au milieu d'eux il traversa la ville : Minerve par amour pour Ulysse, l'avait enveloppé d'un nuage céleste[1]. — Le héros,

  1. Le texte porte : ἀχλὺν θεσπεσίην κατέχευε (vers 41/42), que nous avons traduit par : enveloppé d'un nuage céleste. Buttmann (Lexil., 167) dit que θεσπέσιος provient de θεσς (Dieu) et de εἱπεῖν (dire), mais que la signification de ce dernier mot est perdue dans le composé, et que θεσπέσιος, étant maintenant synonyme de θεῖσς, n'est employé que pour exprimer tout phénomène grandiose émanant soit de l'homme, soit de la nature. Tout en reconnais­sant la justesse de cette dernière observation, nous aimons cependant mieux faire dériver ce mot de θεσς (Dieu), et de πεσεῖν (tomber), et traduire ce passage par nuage céleste, ou nuage venant du ciel ou des dieux.