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De Jaival. Vous permettez que je prenne quelques notes ?

Clarisse. — Mais non, mais non, voyons !… Tenez, touchez ?

De Jaival. — Que je…

Clarisse. — Touchez, quoi ? Rendez-vous compte !

De Jaival, de plus en plus surpris. — Ah ?… Oui, Madame ! Oui. (Il est face au public, et de la main gauche renversée, il palpe Clarisse du côté droit. A part.) Très pittoresque !

Clarisse. — Mais, pas là, Monsieur ! C’est l’autre côté !

De Jaival, transportant sa main de l’autre côté. — Oh ! pardon !

Clarisse. — J’ai été piquée par une guêpe.

De Jaival. — Là ? Oh !… quel aplomb !

Clarisse. — L’aiguillon doit être sûrement resté.

De Jaival. — Est-il possible !

Clarisse. — Voyez donc !

De Jaival, se faisant à la situation. — Ah ! que je ?… Oui, Madame, oui !

Il se fixe son monocle dans l’œil et s’accroupit.

Clarisse. — Vous l’apercevez ?

De Jaival. — Attendez ! Oui, oui ! Je le vois !

Clarisse. — Ah ? Ah ?

De Jaival. — Oui, oui ! même il dépasse tellement, que je crois qu’avec les ongles…

Clarisse. — Oh ! essayez, docteur, essayez !

De Jaival. — Oui, Madame, oui !

A ce moment, sort du cabinet de travail, Hochepaix suivi de Ventroux.

Hochepaix, à la vue de la scène. — Ah !

Ventroux, scandalisé. — Oh !

Il se précipite sur Hochepaix et lui fait faire volte-face.

Clarisse, sans se troubler, ni changer de position. — Dérangez pas ! Dérangez pas !

De Jaival, arrachant l’aiguillon, et se relevant. — Tenez, Madame ! le voilà ! le voilà ! le mâtin !

Ventroux, bondissant sur de Jaival et l’envoyant pirouetter no 2. — Ah çà ! Voulez-vous, vous !…

Clarisse et De Jaival, en même temps. — Qu’est-ce qu’il y a ?

Ventroux. — Tu fais voir ton derrière à un rédacteur du Figaro !

Clarisse. — Du Figaro ! du Figaro !

Ventroux, furieux. — Oui, monsieur Romain de Jaival, du Figaro !

Clarisse, passant 3 pour marcher sur de Jaival à croire qu’elle va l’attraper. — De Jaival ! Vous êtes monsieur de Jaival ! (Changeant de ton et bien lent.) Oh ! monsieur ! que vous avez fait une chronique amusante, hier, dans votre journal ! (A son mari.) N’est-ce pas ?

Ventroux, levant de grands bras. — Voilà !… Voilà ! Ça n’a pas plus d’importance que ça, pour elle ! (A ce moment, ses yeux se portent sur la fenêtre, dont le store est grand tiré. Poussant un cri strident.) Ah !… Clemenceau !

Clarisse. — Où ça, Clemenceau ?

Ventroux, redescendant comme un homme ivre. — Clemenceau !

Clarisse, regardant dans la direction indiquée. — Ah ! tiens, oui !

Elle adresse des sourires et des "bonjours" de la tête au personnage invisible en question.

Ventroux. — Et il rit ! il ricane ! (Tombant sur le canapé.) Ah ! je suis foutu ! Ma carrière politique est dans l’eau !

Clarisse, pendant que le rideau tombe, adressant des petits saluts à Clemenceau. — Bonjour, monsieur Clemenceau ! mais très bien, monsieur Clemenceau ! et vous de même, monsieur Clemenceau ? Ah ! tant mieux ! tant mieux, monsieur Clemenceau !

RIDEAU

Avis. — Pour les guêpes artificielles, s’adresser à la maison Bérard, 8, rue de la Michodière, Paris.