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plus guerriers et plus dévoués à leur Mikado. Et le prestige de l’autocratie en Russie, au lieu d’être grandi a définitivement sombré. Restait le moyen suprême, celui de déchaîner la guerre civile, Nicolas II l’essaya encore.

N’ayant pas réussi à réduire les « petits Japonais » va-t-il être plus heureux dans cette lutte à vie et à mort qu’il a engagée avec son peuple, qu’il escompte réduire par l’épuisement ?

Il y a trop de misère accumulée sous les toits de chaume de paysans, trop de souffrances dans les mansardes et les sous-sols des ouvriers, dans les chambrées de la jeunesse studieuse, trop d’indignation dans les demeures aisées, souvent somptueuses même de la bourgeoisie et des nobles, trop de honte dans l’armée, obligée de faire le service de police, trop d’humiliation dans les rangs de la bureaucratie elle-même à laquelle on demande le petit service supplémentaire de mouchard…

Et depuis Ivan de Terrible, le sang du peuple russe n’a encore coulé à si grands flots. En effet, qu’étaient ces Opritchnikis, qui parcouraient les villes et les villages avec, à la selle de leur monture une tête de chien, symbolisant la fidélité au Maître et un balai — emblème de leur office — tout balayer sur leur passage, terrorisant les habitants, qui fuyaient à leur approche, s’empressaient de se cacher — qu’étaient ces féroces opritchnikis du tsar Terrible, avec leur armement primitif, au regard des cosaques et des Semenovtzis, du tsar « pacifiste », ce Nicolas le Dernier, outillés à la façon moderne, jouant avec des braunings, des mauser et des mitrailleuses, tirant sur le peuple dans les rues et sur les prisonniers dans leur prison.

Aujourd’hui le sang coule de Pétersbourg au Caucase et de Varsovie à l’Oural et à Wladivostok… Nous assistons à une orgie gouvernementale, une bacchanale, où tournaient les ministres, les policiers, les gendarmes et les troupes « fidèles, » et que préside Nicolas II.

Mais, plus de quatre siècles ont passé entre lui et Ivan le Terrible…

Et dans le carnage que son tsar ordonne aujourd’hui, le peuple ne veut plus voir le doigt de Dieu. Il réclame sa place au soleil, qui croit-il, envoie sa lumière et sa chaleur pour tous ; il réclame son droit à la terre, qui produit pour nourrir tous, et il marche à la conquête de la liberté pour tous et de sa souveraineté.