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catastrophe de Khodynskoïe Polé — son règne, de par sa propre volonté criminelle, finit aussi dans le sang. Or, aujourd’hui comme alors, la pensée qui le guide est toujours la même, celle de conserver intact son pouvoir autocratique. Alors, cherchant la popularité de bon « petit père » de son peuple, il imagine de lui faire distribuer, en commémoration de son sacre, des cadeaux qui consistaient en un pain, du sel dans une salière et une icône, en guise de sa bénédiction, selon la coutume russe, et le tout enveloppé dans un petit châle de coton. Ces cadeaux du tsar tentèrent la foule ; des milliers de personnes qui se portèrent dans cette banlieue de Moscou vers le kiosque de distribution ; mais avant de l’atteindre, ils tombaient sous la poussée de la foule dans une profonde fosse qu’on n’a pas eu la précaution de barrer. Tous ceux qui y furent précipités, ne pouvant se relever, étaient écrasés par les nouveaux arrivants qui y étaient poussés à leur tour, jusqu’à ce que la fosse n’était comblée de cadavres, que l’on comptait par centaines.

Aujourd’hui, au peuple qui demande à son « petit père » du pain pour se nourrir, un peu de liberté pour vivre, celui-ci envoie du plomb. Cette mémorable date de 22 janvier 1905 est inscrite dans l’histoire en lettres rouges. Pris de peur à la suite de la grève générale, survenue dix mois plus tard, il proclame la Constitution dans son empire et sournoisement donne l’ordre à sa police d’organiser dans toutes les villes des guet-apens. Au moment, où les populations en liesse se répandent sur les places publiques pour se congratuler de leur liberté, reçoivent en pleine poitrine des balles et de la mitraille. Des témoins oculaires, qui ont échappé à la mort par miracle, ont apporté des preuves indéniables que ces massacres des citoyens « libres » ont été préparés d’avance. D’ailleurs, ils se sont produits dans plusieurs villes presque à la même heure, sans que le peuple en fête pût s’en douter un seul instant.

Lorsque la Constitution a été proclamée à Kieff, la population s’est portée dans la rue principale pour fêter cet heureux événement. Voyant la foule déjà assez nombreuse, la troupe consignée en cet endroit, se rua sur les promeneurs, en les refoulant en arrière, tandis que toutes les rues adjacentes furent barrées par la police à l’exception d’une seule, dans laquelle des mitrailleuses avaient été placées d’avance, et dans laquelle les soldats et la police les poussaient. Aussitôt que la foule avait