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se font en masse. On arrête, on arrête encore, on arrête toujours par centaines… Et on fusille sommairement lorsqu’on n’emprisonne pas. Les prisons étant combles, on utilise les monuments publics, les Hôtels de Ville et jusqu’aux maisons des aliénés où l’on fait entasser des prisonniers. Les nouvelles prisons encore sont en construction. En attendant des trains spéciaux emportent les personnes arrêtées au delà de l’Oural, pour les caser dans les prisons en Sibérie, où l’on peut trouver encore de la place. On s’acharne surtout sur les intellectuels — avocats, médecins, ingénieurs, etc. et même sur les intellectuels en herbe — les lycéens dont regorgent les prisons. Dans les campagnes les populations affamées seront réduites à l’épuisement complet. L’ordre est donné aux autorités locales de ne leur faire aucun prêt de blé.

Or, si le jeune souverain avait, à son avènement au trône, voulu s’inspirer de l’esprit de son temps, et allant au devant de l’attente de son peuple, après le régime de réaction sous son père, lui faire cadeau rien que d’un simulacre de Constitution, que déjà son grand’père avait projetée, s’il avait eu la clairvoyance ou simplement le flair politique qui permet une juste appréciation de l’état d’âme d’un peuple dans un moment donné de son histoire, il aurait su saisir ce moment opportun pour restituer, au moins, à la nation les libertés primordiales qu’elle avait acquises antérieurement et dont son « inoubliable » père l’avait peu à peu frustré. Ce Nicolas II, qui après neuf ans de règne, n’ose plus sortir de sa cachette pour se montrer dans sa capitale, pourtant bien gardée des troupes qui lui sont encore fidèles, serait acclamé adoré de son peuple reconnaissant, trop heureux de pouvoir, enfin, respirer, d’avoir une existence un peu plus facile et son nom passerait à la postérité avec le titre de Grand.

Mais il a tourné ses regards vers le passé.

Petit, il s’est rapetissé encore depuis qu’il tient entre ses mains les destinées de la Russie, et au lieu de faire naître dans les cœurs de ses sujets les sentiments d’affection et d’admiration, il les a rempli de mépris d’horreur et de haine. Ses contemporains le nommèrent le Dernier et l’histoire lui réserve le titre de Massacreur.

En effet, commencé dans le sang de par la négligence coupable des exécuteurs de ses ordres, des fonctionnaires, — la