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prend de sa poche un grain de blé, le dépose sur la table devant le gendarme.

— Voici le tsar, dit-il

Puis, il sort encore quelques grains, les dispose en cercle autour du premier en ajoutant :

— Ici, sont les ministres.

Il entoure ensuite le premier cercle d’une plus grande quantité de grains.

— C’est la police, explique-t-il

Enfin, en espaçant son nouveau cercle, où les grains sont plus serrés les uns contre les autres et disposés en plusieurs rangées, il continue :

Ceci, c’est l’armée…

Il reste un instant à contempler son schéma, puis d’un mouvement brusque, il jette par dessus une bonne poignée de blé.

— C’est le peuple qui vient, fait-il

Tout son schéma avec le tsar, ses ministres, sa police, son armée elle-même, disparaît dans cette mêlée, sous la formidable poussée populaire.

Et le paysan ajoute ingénument :

— Je n’ai jamais dit plus que ça.

Le rôle du pouvoir autocratique est celui de garder jalousement ses prérogatives. Si, un jour, il allait faire une concession, le peuple ingrat, lui en demanderait assurément une autre et une autre encore,

Or, la nation russe tenue à demeurer entièrement à l’écart de la vie politique, son action devait nécessairement se porter vers la solution de problèmes sociaux, que le heurt des intérêts des différentes classes, se compliquant avec le développement du capitalisme dans le pays, rendait toujours plus âpres. Un nouvel ordre de choses, reposant sur une base sociale s’imposait. Et c’est dans l’endiguement systématique de la force vitale de la nation qu’il faut chercher l’explication de ce phénomène auquel nous assistons aujourd’hui et qui fait l’étonnement de l’Europe, notamment qu’un peuple tellement arriéré dans sa vie politique, a su réaliser un si notable progrès au point de vue