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dehors, si tôt dit, si tôt fait ; le mur fut élevé et le tsar menait une existence tranquille entouré de ses sujets dévoués et reconnaissants » Le mur était si haut, si haut, que l’ombre qu’il projetait plongeait tout le pays dans une demi-obscurité. Ainsi se passèrent de longues années. Enfin le peuple a compris que c’était ce haut mur qui lui marquait le jour et il y perça de ci, de là des trous, par lesquels la lumière commençait à pénétrer un peu partout dans le pays. Le voyant, le tsar ordonna de lui apporter une quantité de terre glaise et il se mit, en marchant le long du mur à boucher de sa main tous les trous qu’il rencontrait Mais tandis qu’il parvenait d’en boucher quelques uns, d’autres se produisaient et la lumière passait toujours. Toute la journée le tsar s’est employé à cette besogne, enfin il ne lui restait plus de terre. La nuit venue il se sentit très fatigué. Le lendemain, il lui a fallu cependant se remettre à l’œuvre, car il y avait dans le mur de plus grands trous encore et malgré son assiduité au travail, il ne pouvait en venir au bout. »

Un autre paysan encore s’est ingénié à procéder plus simplement. Il ne discourait pas, ce qui était aussi plus prudent, attendu qu’il y avait déjà une police dans les campagnes et que les mouchards y faisaient leur apparition de plus en plus souvent, mais il se bornait plutôt à une leçon de choses — une petite démonstration, pour laquelle il se servait de blé, dont il avait toujours sa poche pleine,

La gendarmerie, qui est en Russie ce que sont les brigades de recherche en France, eut bientôt vent du succès de ce « dangereux » propagandiste de la campagne ; il fut arrêté et conduit devant l’officier.

— Vous vous mêlez à faire de la propagande politique et à répandre des idées subversives, fonce l’officier gendarme sur notre campagnard.

— Nullement, votre haute noblesse. Pour répandre des idées il faut bien parler, moi, je n’ai jamais fait de discours, lui répond celui-ci.

— Vous ne parlez pas ? Comment faites-vous alors ? demande le gendarme menaçant.

— Je fais simplement voir aux gens quelques grains de blé, et c’est tout, lui répond l’inculpé. Avec la permission de votre haute noblesse, voici comment je procède :

Et sans montrer plus d’empressement, le paysan s’avance,