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côté du gouvernement, les « fils » adoptèrent une tactique offensive, qui devait se résumer en meurtres politiques. Exaspérés par la frénésie avec laquelle les autorités se livraient aux persécutions contre les « malintentionnés », indignés de l’ignominie des tribunaux spéciaux, créés en prévision de l’acquittement probable des inculpés en cour d’assises, et dont le rôle était de juger les procès politiques, pour ainsi dire à huis clos et de distribuer les condamnations selon l’ordre donné d’avance en haut lieu, ces apôtres de fraternité dans la paix du travail, se tournèrent vers la violence, et de propagandistes paisibles qu’ils étaient, s’érigèrent en justiciers implacables. Le mouvement prend une nouvelle orientation ; la lutte s’engage sur le terrain politique, adoptant le mode d’action par la terreur.

La haine des révolutionnaires pour Alexandre II fut surtout suscitée par son attitude vis-à-vis les condamnés du procès des Cent-quatre-vingt-treize, alors qu’en dépit de l’usage, qui exige la clémence du souverain, il a au contraire aggravé les peines, que le tribunal exceptionnel avait prononcées, cependant que l’accusation ne pouvait être soutenue que contre quelques uns seulement parmi les inculpés sur lesquels les juges s’acharnèrent en leur infligeant des peines excessives. D’autres condamnations encore suivies d’exécutions, portèrent au paroxysme cette haine contre le tsar confirmant de sa signature les verdicts sanglants, et qui enfin fut lui-même victime de leur vengeance, foudroyé par la bombe que son audacieux meurtrier avait, en plein jour, lancée sous sa voiture, en faisant en même temps le sacrifice de sa propre vie.

Cependant Alexandre II était décidé d’entrer dans la voie des concessions et de proclamer un simulacre de Constitution, que son influent ministre Loris-Mélikoff, — plus astucieux que libéral — avait élaboré. La mort l’a surpris, dit-on, à la veille de signer cette constitution. Il y eut là une fatalité. À son avènement au trône, Alexandre III était déjà sur le point d’apposer sa signature sur la constitution de son père, lorsque survint M. Pobiedonostzëff. Le sort en a été jeté. La pire des réactions, la répression à outrance pèsera sur le pays depuis le premier et jusqu’au dernier jour de ce règne de treize ans. Les populations de « toutes les Russies » gémissaient en silence.