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aspirer, fit orienter la pensée philosophique populaire vers les matières religieuses, ce qui l’amena à la critique même des dogmes de l’orthodoxie. Cela eut pour effet la formation dès le XVIIe s., de différentes sectes de dissidents opposant à la religion officielle leurs nouvelles doctrines, empreintes de mysticisme, souvent, poussées au fanatisme.

Cependant, la philosophie populaire, tout en se concentrant sur la religion et en se basant sur l’Évangile, évolua progressivement au cours du XVIIIe s. et dans la deuxième moitié du XIXe s. s’affranchit définitivement du mysticisme pour prendre une orientation réaliste ; s’inspirant des besoins de la vie réelle, elle établit les dogmes de la nouvelle religion sur des principes communistes, tendant à une meilleure organisation sociale et une vie plus équitable sur cette terre, réfutant les autorités, le service militaire, voire le payement des impôts, perçus par les fonctionnaires du gouvernement.

Ces nouvelles sectes dites « rationalistes » se formèrent sous l’influence des anabaptistes qui, répondant à l’appel de Catherine II, qui promettait aux colons la liberté de conscience, vinrent s’établir dans le sud de la Russie, alors presque désert. Mais bientôt les doctrines élaborées par les sectaires devancèrent celles-là même de leurs inspirateurs les anabaptistes. La dernière phase de cette évolution socialo-religieuse s’est traduite dans le stundisme — secte rationaliste la plus avancée, entièrement dégagée de tout mysticisme. Basant leurs doctrines sur le commentaire libre de l’Évangile, les stundistes désavouent l’Église officielle avec ses icônes, ses rites et ses sacrements, renient en même temps ses ministres et cherchent à appliquer en pratique les enseignements de l’Évangile. Le stundisme s’est répandu avec une rapidité-excessive dans toute la Russie méridionale, en hissant successivement les provinces limitrophes faisant des siens en Ukraine, dans la Russie blanche et jusqu’au centre de l’empire, comptant des adeptes dans la capitale même.

Ainsi, la conception philosophique de la pensée russe a suivi deux courants distincts. En haut, l’université avec sa méthode spéculative empruntée à la science européenne ; en bas, l’enseignement religieux et le commentaire libre de l’Évangile et de l’Écriture sainte, qui présentaient une source unique à laquelle pût puiser la pensée philosophique populaire dans sa