teur, qui obligeait ainsi les nobles à faire le service militaire honorifique, celui-ci étant considéré comme une dignité. Cependant, le sacrifice demandé aux seigneurs, qui se voyaient forcés à déserter leurs anciens châteaux et leurs manoirs qu’ils avaient hérités de leurs aïeux et dans lesquels plusieurs générations avaient passé leur vie entière, — sacrifice qui était exigé pour les besoins de l’État, devait trouver une compensation en ce que la culture de leurs terres serait assurée par la classe des vilains, qui à leur tour seraient asservis aux nobles.
Déjà le tsar Alexis Michaïlovitch avait porté la première atteinte à la liberté des paysans en limitant leur droit de déplacement — partant, de l’abandon des terres chez tel seigneur pour aller s’établir ailleurs — à un seul jour dans l’année, la Saint-Georges, fêtée le 6 mai (23 avril v. s.). Pierre le Grand a parachevé l’œuvre de son père en supprimant la Saint-Georges même et de ce chef la population agricole fut définitivement attachée à la glèbe.
Ainsi, dans sa préoccupation des intérêts de l’État, l’empereur-réformateur a posé la première pierre de l’institution du servage que ses successeurs s’attachèrent à consolider et qui servit de base au régime autocratique lui-même, auquel, désormais, le pays fut soumis.
Cependant, les rayons de lumière, qui passaient par la « fenêtre » de Pierre le Grand, ne pouvaient pénétrer jusqu’aux profondeurs des couches que formaient les masses populaires. Celles-ci, en effet, n’étaient envisagées par l’auguste réformateur qu’à titre de facteur essentiel de productivité nationale ; englobées dans ce rôle, elles ne sauraient être désignées à servir directement les intérêts de l’État, si non en fournissant des soldats pour son armée régulière qu’il venait de créer et dont le contingent n’était pas encore très élevé. Car en même temps qu’il s’efforçait d’implanter la civilisation Occidentale dans son jeune empire il ambitionnait aussi d’en étendre le domaine en reculant de plus en plus loin ses frontières. Ayant à peine assuré sa domination sur les côtes de la Baltique, il tourne