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pourtant le dernier tsar, qui ait donné sa Zapis en montant sur le trône.

Tout change avec Pierre le Grand qui, selon la métaphore du poème de Pouchkine, a « percé une fenêtre sur l’Europe ». Dans son ambition de réformer le pays sur lequel il est appelé à régner, il s’arroge le titre d’empereur et impose à la nation sa volonté personnelle. Il empiète même sur le pouvoir spirituel du patriarche, désormais subjugué à celui du chef de l’État. Et pour donner concrètement une consécration à ce nouvel ordre de choses, dans une solennité officielle il astreint le chef de l’Église à tenir la bride de sa monture.

L’ancien régime mi-patriarcal et mi-constitutionnel fait place à l’absolutisme. Celui-ci s’affermira consécutivement durant deux siècles pour atteindre sous Alexandre III le point culminant, où son successeur Nicolas II, auquel le peuple a attribué le titre de Dernier, s’évertue à le maintenir en se réclamant de sa piété filiale, en évoquant l’intervention divine et les lois fondamentales du pays — d’ailleurs fort abusivement, car il faut bien le rappeler ici, dans ses origines, la Russie comptait deux républiques, notamment Novgorod et Pskov — ses deux cités, alors, les plus importantes — avec leurs institutions démocratiques et franchement républicaines, ce qui leur permettait de faire partie de la confédération hanséatique et d’assurer ainsi leur indépendance politique et leur prospérité —.

L’objectif de tous les efforts de Pierre le Grand est l’État C’est le foyer, où doivent converger toutes les forces vitales du pays. Pour rendre celui-ci puissant et pondérant il ne faut ménager aucune énergie, ni négliger aucune ressource ; il ne faut reculer devant aucun obstacle, devant aucun sacrifice, qui dans l’intérêt de l’État, eût pu être demandé à l’individu, à la classe, à la nation elle-même. En dehors de cet intérêt dominant rien ne saurait entrer en ligne de compte.

La noblesse en tant que classe, la plus élevée, était naturellement appelée la première à servir l’État et à assurer le bon fonctionnement de tous les rouages du nouveau mécanisme. Par dévouement patriotique, elle avait le devoir d’assumer la charge du commandement dans l’armée, créée par l’empereur-réforma-