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DEUX TSARS


Lorsque, il y a plus de trois siècles, le tsar Ivan IV surnommé le Terrible, avait, parmi tant d’autres atrocités, imaginé de faire chasser dans le fleuve une foule inoffensive et docile, — le peuple russe dans sa pieuse résignation, voyait dans cet acte de l’implacable souverain un châtiment de Dieu, que ses péchés lui avaient mérité. Ce tsar cruel n’était que l’instrument de la volonté divine, la cause essentielle de toutes les souffrances, qu’il lui faisait endurer, résidait en lui-même et c’était pour le rappeler au bien que le Très-Haut, toujours bon et juste, les lui laissait infliger. Cette foi candide en l’intervention du Ciel apaisait les rancunes populaires, et écartait toute velléité de révolte.

De plus, à la mémoire de tous était présent le joug, des Tartares, qui durant deux cents ans avait pesé sur le pays. Les envahisseurs ont pu s’en rendre maîtres, parce que, pendant de longues années, des siècles, il a été déchiré par les guerres civiles, dues aux rivalités des princes, qui en vertu de leur droit de succession gouvernaient les différentes provinces. Mais unifié sous l’autorité d’un tsar, qui veillait sur ses destinées, il pouvait désormais envisager l’avenir sans inquiétude. En outre Ivan IV, ce premier tsar ayant reçu le sacre, symbolisait aux yeux de la nation russe la force et la grandeur de la patrie.

À cette époque éloignée, en Russie, la culture empruntée en même temps que la religion orthodoxe à Byzance, n’avait fait que peu de progrès. La science ou plutôt la vie intellectuelle