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L’AVARE PUNI.

Il croyoit ce temps favorable
Pour trouver à la Cour moins de ces sots esprits,
Qui pour les malheureux n’ont qu’horreur & mépris.
Mais il voit que par tout son sort est déplorable.
Artaut, dont la présence & l’irrite, & l’accable,
Entretenoit déja le Souverain, d’Édits.
Malgré la présence importune
De cet indigne favori
De la trop aveugle fortune,
Ernoux ne laissa pas d’exposer à Henri
Et les disgraces, & les pertes
Que sa Maison a depuis peu souffertes :
Il lui peint les chagrins dont il est agité,
Disant qu’il n’est point de remede
À la douleur qui le possede
Qu’en sa généreuse bonté.
Artaut que sa faveur rendoit plein d’insolence,
Sans donner au Comte le temps
De témoigner ses sentimens,
Dit au Seigneur Ernoux d’un ton plein d’arrogance
Qu’il le trouvoit bien imprudent
De venir demander au Prince,
Qui par ses trop grands dons étoit de la Province
Le Seigneur le plus indigent,
Et manquoit de ressource aussi-bien que d’argent :
Qu’ainsi c’étoit une harangue vaine
De venir demander du bien
À qui, pour trop donner, ne possedoit plus rien.
Le Comte le laissant achever avec peine,
Lui dit d’un ton moqueur : Daignez me pardonner,