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L’AVARE PUNI.

La Belle, quoi qu’obligeamment,
Élude cet empressement,
Disant qu’il faut qu’avant se célébre la fête
De leur hymen, quoique caché,
Afin que rien ne lui soit reproché.
Artaut feint d’accorder tout ce qu’elle desire,
Et conserve toujours l’espoir de la seduire.
Cependant le Seigneur Ernoux,
Que toujours la fortune accable de ses coups,
Croyant Artaut plus honnête homme
Qu’on ne le dit en mille endroits,
Va fort civilement prier ce vieux Bourgeois
De vouloir lui prêter une légére somme.
Cet indigne mortel qu’il obligea cent fois,
Bien éloigné d’en rien faire,
Reçoit fort mal sa priere.
Ainsi le cœur outré d’ennui
Ernoux s’en retourne chez lui,
Et conte sa peine à Nantide.
Nantide avoit l’esprit aussi vif que solide ;
Elle lui tint cet utile discours :
Du malheur qui nous accompagne
Notre grand Comte de Champagne
Pourra seul arrêter, Seigneur, le triste cours ;
Vous connoissez sa bonté, sa largesse,
Implorez-la dans l’ennui qui nous presse.
Le Baron, de Nantide approuvant le conseil,
Prend son temps, & suivi de son aimable Fille,
De qui malgré le sort toujours la beauté brille,
Trouve lieu d’aborder le Prince à son réveil.