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L’AVARE PUNI.

Artaut remerciât les Soldats de sa suite.
Ernoux, pour appaiser les Soldats mal contens,
Les fit amplement boire à ses propres dépens.
Artaut, de sa rançon épargnant les pistoles,
Fut prodigue en belles paroles,
Et dit au bon Seigneur qu’il n’oubliroit jamais
Ses secours généreux, ses insignes bienfaits.
Plus on a l’ame grande & bonne,
Et plus on est facile à se laisser duper :
Par cet endroit plus que personne
Ernoux fut propre à se laisser tromper.
Ainsi lorsque depuis sa triste décadence,
Il vit Artaut venir souvent dans son logis,
Il crut que.ce Bourgeois plein de reconnoissance,
Étoit vraiment de ses amis :
Car il ignoroit la menée
Qui se tramoit pour l’hymenée,
Et n’eût jamais pensé qu’Artaut fut un Amant.
Quoique Nantide en effet de son Pere
Connût la grandeur d’ame & l’amitié sincere,
Elle avoit empêché qu’il n’en eût eu le vent,
Craignant que par hasard il n’approuvât l’affaire,
À cause du besoin pressant.
Au Barbon cependant elle fit froide mine ;
À la Suivante il s’en plaignoit :
Mais elle lui disoit que ce froid ne venoit
Que de ce qu’elle étoit chagrine.
En attendant sa bonne humeur,
Pour se dédommager ce fantasque Rêveur
S’avisa de conter sornette
À l’officieuse Soubrette,