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L’AVARE PUNI.

Qui, comme moi, plein d’esprit, d’agrément,
Y joint encor le credit, la richesse :
Puis les Belles jamais ne m’ont refusé rien :
Mais, Nantide, pourtant quand tu seras ma femme,
Si quelque beau Blondin t’alloit séduire l’ame ?
Non, j’y mettrai bon ordre, & te garderai bien.
Ensuite il fait projet de faire
Après son mariage enrager son Beaupere,
En donnant la torture aux Loix :
Il veut s’approprier l’usage
Des restes délabrez de son riche héritage,
Dont ses tours chicaneurs multipliront les droits
Pour le moins douze ou quinze fois :
Car quoiqu’il aimât fort Nantide,
Il eût été dans un grand désespoir
De signer un contrat, sans en rien recevoir,
Ou se flater du moins de quelque gain sordide.
Cependant du Seigneur Ernoux
Il avoit tant de fois reçu de bons offices,
Tant de bontez & d’obligeans services,
Qu’il en eût dû garder un souvenir plus doux.
Lorsque par l’horreur de la guerre
La Champagne avoit vû son peuple désolé,
Le Baron par trois fois de sa plus belle Terre
Préserva le Château d’être pillé, brûlé.
Il fit encore plus : Artaut dans un Village
Se trouvant sotement pour quelque beau ménage,
Fut par les ennemis enlevé prisonnier :
Ernoux aïant sous sa conduite
Un Parti de Soldats d’élite,
Courut, le délivra, sans que d’un seul denier