Page:L’Héritier de Villandon - L’Avare puni, 1734.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
L’AVARE PUNI.

On vanta par tout son adresse,
Ses talens, son subtil esprit,
Tant le peuple toujours révéra la richesse.
Il est vrai qu’il étoit laborieux, actif,
Fin, pénétrant, expeditif,
Qu’il eut, quoique fantasque, une assez bonne tête,
Qu’à sçavoir la chicane il n’eut point son pareil,
Et qu’il eut toujours au Conseil
Pour trouver de l’argent une ressource prête.
Ce fut par ces talens que malgré son humeur,
Sa crasse, sa rapine extrême,
Auprès d’un Prince sage, & la largesse même,
Il sçut trouver de la faveur.
Tout cela frappoit tant les yeux de la Suivante,
Que, quoi que Nantide en eût dit,
La réponse qu’elle lui fit
Ne fut point du tout rebutante.
Elle contenoit seulement
Qu’à present sa jeune Maîtresse
Étoit trop dans l’accablement,
Pour aller tout d’un coup passer à l’allegresse
En changeant de nom & d’état,
Que cela feroit trop d’éclat :
Mais qu’après quelques mois, il pourroit sans mysterę
L’aller demander à son Pere.
Artaut gonflé d’un fol espoir,
Tout fier d’avoir si-tôt sçû plaire,
En lui tout de nouveau cent mérites crut voir,
Si-bien qu’il oublia son âge & sa bassesse.
Hé ! quelle Dame peut refuser sa tendresse,
Disoit-il, quand le sort lui présente un Amant,