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L’AVARE PUNI.

Non, lui repartit sa Maitresse,
L’indigne Artaut n’a point une telle tendresse ;
Car jamais un vieux débauché
N’eut le cœur fortement touché :
Il veut voir seulement si j’aurai la foiblesse
De donner dans de tels filets,
Pour publier par tout que malgré ma jeunesse,
Ma fierté, mon rang, mes attraits,
Et malgré ce qu’on dit de son humeur jalouse,
J’ai fait tous mes efforts pour être son épouse.
Mais quand ses feux seroient bien vrais,
Je ne suis pas d’humeur à faire
Avec ce Barbon telle affaire :
Son esprit lâche & bas, & sa bisare humeur
M’ont toujours donné de l’horreur.
Je dis plus : Il auroit & mérite & noblesse,
Que je refuserois de m’unir à son sort :
J’ai pour Imbert une tendresse
Qui ne finira qu’à la mort.
Ne croi donc pas qu’à d’autre à jamais je me donne :
Si je ne puis pas être à lui,
Je ne pretens être à personne.
Il vous faut pourtant un appui,
Reprit la Suivante en colere :
Vous vouliez bien hier qu’il prît une Héritiere,
Prenez un Richard aujourd’hui.
J’avois raison, lui dit Nantide :
Mais tu vois qu’il ne le veut pas :
Si quelque heureux destin le guide,
Comme il est brave & sage, il peur dans les combats
S’avancer, & changer sa dure destinée :