Page:L’Héritier de Villandon - L’Avare puni, 1734.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
L’AVARE PUNI.

Si-tôt que nous serons au jour
Où l’oncle de ma fille a marqué son retour,
Votre ardeur sera satisfaite :
Jusque-là tenez-la secrette.
Imbert à l’objet de ses vœux
Va conter ce succès heureux :
Tous deux se livrent à la joye :
Mais qu’ils goûtent peu leur bonheur !
Et que par un revers que le Ciel leur envoye,
Ils vont ressentir de douleur !
Dans une Maison de campagne
Des plus belles de la Champagne,
Sous un bon coffre fort, Ernoux soigneusement
Conservoit les deniers d’un gros remboursement.
Et se flatoit d’en marier sa Fille.
Quoique ce célébre Château
Fût aussi fort qu’il étoit beau,
Le précieux tresor la nuit un voleur pille.
Ce n’est pas tout : on apprend qu’un Banquier
Chez qui le bon Seigneur a tout son bien à rente,
Quoiqu’on prônât par tout sa fortune opulente,
Sans retour est banqueroutier.
Ce vol & cette banqueroute
Mirent si fort d’Ernoux la fortune en déroute,
Qu’on le crut par ce coup fatal
Presque réduit à l’hôpital.
Dès que la nouvelle en fut sçuë,
Qu’à la Cour, à la Ville elle fut répanduë,
Nantide vit bien-tôt ses Amans la quitter ;
C’est en vain qu’elle est sage & belle,
Elle n’a plus de dot : adieu tous soins pour elle,

A iiij