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L’AVARE PUNI.

Par sa valeur & sa naissance,
Et par la générosité
Du Pere de l’Objet qui le tient enchanté,
Il va d’un air soumis & d’une voix timide
Lui conter son amour pour la belle Nantide,
Et dit que si ses feux pleins du plus vif transport
Ne peuvent avoir son suffrage
Pour l’obtenir en mariage,
Dans le premier combat il cherchera la mort.
Quoiqu’Ernoux connût bien ses feux & son courage,
Il ne crut pas au fonds, quoiqu’il tînt ce langage,
Qu’à devenir défunt il s’empressât si fort :
En effet il auroit eu tort.
Le vieux Baron avoit l’âme fort pénétrante,
Et ses yeux s’étoient apperçus
Qu’auprès de sa Fille charmante
Les tendres soins d’Imbert n’étoient pas mal reçus.
Ainsi sans consulter la maxime commune
Qui met dans les tresors la gloire, le repos,
Le mauvais sort d’Imbert n’a rien qui l’importune ;
Il suffit qu’il lui voit une ame de Heros.
Il lui répondit donc par ces obligeans mots :
Vous n’avez pas beaucoup de biens de la fortune :
Mais, grace à mon destin heureux,
Nantide en aura pour vous deux,
Non pas pour soutenir une dépense affreuse,
Mais pour se faire un sort qui soit commode & doux :
Ma Fille n’eut jamais l’humeur ambitieuse,
Et quitteroit le bien pour choisir un époux
D’un vrai mérite tel que vous :
Contez donc sur ce point, c’est une affaire faite :