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par l’idée d’un monde meilleur qui console du monde mauvais ? L’apparente tranquillité radieuse des anciens cachait-elle un pessimisme profond ? Les dieux sereins de l’Olympe ne seraient-ils eux-mêmes qu’une illusion heureuse que les Grecs se forgèrent pour supporter la vie ? Le pessimisme cesserait d’être un signe de décadence comme nous sommes trop enclins à le croire ? Autant de questions insolubles, et qui même n’avaient pas été posées.

Deux divinités se partagent l’âme grecque : Apollon et Dyonisos. — L’un est le dieu de la lumière, le dieu des formes accomplies, le dieu de la mesure parfaite. C’est lui qui fait se suivre en apparitions rythmiques les images du rêve humain. L’homme en sa présence reste conscient de son individu propre ; il se rend compte du mirage. Le charme néanmoins persiste, comme si l’on marchait aux confins d’un monde étincelant. Cette vision rédemptrice berce, mais n’absorbe pas. Elle n’est pas une force tumultueuse de l’oubli, mais seulement un songe harmonieux. Les adorateurs d’Apollon observeront l’harmonie comme règle principale. Avec la mesure dans la beauté ils connaîtront la mesure dans leur existence, ce qui est exprimé par les axiomes : « Connais-toi toi-même » et « Rien de trop. » Prométhée pour son amour démesuré des hommes, Œdipe pour sa sagesse plus qu’humaine devront expier durement.

L’autre, Dyonisos, est le dieu de l’extase et de l’ivresse. Son culte brutal, répandu parmi les barbares, choquait l’esprit grec. Le jour vint cependant, où l’on se mit à comprendre que le rêve