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d'une combinaison bonne en général, malgré des erreurs de détail. Un résignation ferait supposer des dissentiments profonds sur beaucoup de questions diverses, et personne de nous ne peut expliquer sur quel motif spécial elle serait fondée. Les résolutions prises, quoique défendues par tous, n'ont pas été adoptées à l'unanimité; fera-t-on dire par quelques amis qui, selon les avec qui ils se trouveront, feront de la diplomatie, persuadant à ceux-ci que M. tel approuve la mesure qu'ils approuvent; persuadant à ceux-là que le même personnage blâme et censure la mesure qu'ils censurent et qu'ils blâment?

Ce sont des inconvénients inséparables du système? dira-t-on. À un très faible degré dans une colonie qui comme telle n'a pas d'ennemis extérieurs avec qui le secret d'un État indépendant doit être gardé, de peur de se les attirer sur les bras.

Mais ici on les faits grands et nombreux, parce que sans raison et par une imitation servile de ce qui est porté moins loin, et de ce qui est quelquefois utile ou nécessaire dans les États indépendants, l'on a rendu le gouvernement local mystérieux comme un criminel. Plus un cabinet secret est nombreux, plus il expose à devenir faux et dissimulés ceux qui le composent, ceux qui le défendent; chacun cherchant à affaiblir sa responsabilité individuelle et celle de ses amis, ou se trouvant entraîné à défendre, contre ses convictions et en public, ce que dans la délibération il a consciencieusement repoussé.

Quant aux commissaires des Travaux publics sans cesse voyageant, sans cesse aux prises pour défendre la fortune publique contre l'intérêt privé, ils seront aussi obligés souvent de prendre des résolutions soudaines pour faire droit à de justes réclamations d'entrepreneurs, que des accidents imprévus et qui ne pouvaient être prévus arrêterait d'une manière ruineuse pour les intérêts publics; de leur adjuger des sommes additionnelles, d'ordonner des travaux nouveaux et dispendieux sur leur seule responsabilité, s'ils ne sont pas dans le cabinet; sur la responsabilité de leurs collègues absents, s'ils en font partie.

La compatibilité est-elle aussi facile, complète, indépendante, dans cette combinaison, que s'ils étaient des officiers nommés par le cabinet, et sous le contrôle absolu de son bureau d'audition des comptes? Ils se sont engagés précipitamment et d'urgence, le calme de la réflexion porte leurs collègues, engagés par eux et avec eux, à penser qu'ils auraient pu et dû ne pas assumer cette responsabilité, ceux-ci pourront-ils dire, en pleine liberté et sécurité, à des hommes qui peuvent faire et défaire à leur gré l'administration.

Mais, dira-t-on, la responsabilité est bien plus éparse dans la Chambre dont vous désirez grossir le nombre. Ah! la Chambre délibère en public, elle est sans cesse sous les regards et sous la main du peuple; plus elle est nombreuse, moins elle est exposée à être alléchée par les séductions des profits et de des honneurs que distribue le pouvoir.

Le grand nombre avec la publicité dégagent les représentants de toutes les vues égoïstes et ambitieuses, donnent la force et le courage de se dévouer à ce principe éminemment social et humanitaire, le plus grand bien du plus grand nombre, qui seul peut finir par procurer le plus grand bien possible pour tous.

Le grand nombre est pour nous un élément d'indépendance. Il est pour un cabinet secret, rétribué, et disposant du patronage exagéré de notre gouvernement ruineusement dispendieux, un élément de dépendance de la tourbe plus nombreuse, de la clientèle plus enhardie des solliciteurs, qui ont des relations plus intimes avec un plus grand nombre de protecteurs; est un élément d'instabilité, résultant de son trop de confiance en lui-même, de son indépendance un peu plus altière vis-à-vis du corps représentatif.

J'admets encore que le président de l'une de nos banques n'aurait pas dû être appelé au ministère. Je sais bien que mon parent et ami est cet homme d'intégrité, dont la délicatesse et la probité sont au-dessus du soupçon, pour quiconque le connaît.

Moi, j'ai la même opinion des présidents de toutes nos banques, quoique j'ignore qui ils sont. Je sens trop fortement que des corps constitués comme le sont ces établissements ont un tel intérêt à ne pas mettre à leur tête que des hommes dont la probité commerciale est au-dessus du soupçon, que je suis très assuré d'avance que tous leurs présidents la possèdent au plus haut degré.

Mais la probité politique n'est pas la même pour tous les citoyens d'une société, divisée comme l'est la nôtre en partis inconciliables dans leurs principes et dans leur but. Le parti libéral veut une parfaite égalité de droits pour toutes les origines, le parti tory a voulu la domination pour une origine.

L'esprit de parti criera que le président d'une banque, trésorier de la province, peut avoir une influence indue à faire verser le trop-plein du trésor dans l'établissement qu'il dirige, plutôt que dans ceux avec qui, d'un moment à l'autre, le sien peut être en lutte.

Il n'y a pas de trop-plein dans le trésor, dira-t-on. Je le sais bien certes, mais cela ne saurait être qu'un accident passager apparemment, avec tout ce que promettent d'heureux avenir l'Union et le gouvernement responsable. D'ailleurs l'esprit de parti est injuste, les hommes d'aujourd'hui le dédaignent, jamais n'influera sur eux; que les politiques de toutes les nuances en soient bien persuadés; dès lors ni cette nomination, ni aucune autre de celles qu'ils feront, ne doivent être un sujet de plainte. À la bonne heure! mais l'autorité de l'exemple? S'il arrivait jamais que des hommes moins consciencieux fussent au pouvoir (ça s'est vu), fissent des nominations qui créeraient des alarmes, des jalousies, des rivalités entre les banques, leurs directeurs, leurs actionnaires, leurs obligés, craignant qu'un ou deux, ou plusieurs membres d'un cabinet ayant des intérêts personnels dans l'une d'elles, ne fissent servir leur gestion commune des fonds publics et du fond social à l'avantage de leur institution favorisée par cet arrangement, les libéraux alors se plaindraient comme ils le faisaient l'an dernier; mais, il faut bien en convenir, avec un peu moins d'autorité, si surtout c'était dans un avenir prochain!

Dans la présente occasion, c'est trop récemment que plusieurs des hommes qui sont au ministère et que la presse, qui est considérée comme l'interprète de leurs pensées, ont hautement blâmé le cumul de la charge de président de la banque de Montréal avec celle de membre du Conseil exécutif, dans une situation qui donnait moins de prise à la censure que la combinaison actuelle, pour qu' elle ne donne pas lieu de dire qu'en place l'on est d'une vertu moins farouche qu'on ne le fut quand on luttait pour y parvenir.

Rien de mieux pour se faire respecter que de ne pas se permettre ce que l'on a blâmé dans autrui; que de ne pas répudier quand on est au pouvoir aucune des thèses que l'on a soutenues, aucun des engagements que l'on a pris lorsque l'on était dans l'opposition.